Chapitre I- L’histoire des atomes

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"Quiconque peut contempler la mécanique quantique sans avoir le vertige, n’y a rien compris"

Niels BOHR

table des matières de la page :

1.     L’atome de Thomson (1897) 1

2.     L’atome de Rutherford (1911) 1

3.     L’atome de Bohr (1913) 1

4.     L’atome de Rydberg. 8

5.     L’atome de Sommerfeld et Wilson. 8

6.     Le modèle de Goeppert-Mayer (1949) 8

7.     Les noyaux exotiques. 9

a)     La fragmentation de noyaux stables. 9

b)     La fusion/évaporation. 14

c)     La fission spontanée des noyaux lourds. 19

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La physique quantique, voilà un domaine qui échappe au sens commun. Comme l’a dit Richard FEYMANN, "I can safely say that nobody understands quantum physics". En effet, elle choque nos habitudes humaines : qui pourrait s’imaginer un monde à 11 dimensions, des mondes parallèles, des particules qui ont des vies différentes suivant les mondes où elles se trouvent … Elle est intimement liée avec le monde qui nous entoure dans la mesure où elle permet de décrire les propriétés dynamiques des particules subatomiques et les interactions entre la matière et le rayonnement. Nous l’utilisons sans problème comme par exemple dans le cas du microscope à effet tunnel, mais en même temps elle prend place dans un monde mathématique inconcevable pour nous, humains. Cependant, la théorie quantique reste pour le moment en marge par rapport aux 3 autres grandes théories, soit la relativité générale et les interactions forte et faible ; car il n’existe pas encore à l’heure actuelle de grande théorie unificatrice, même si on a plusieurs candidats plus ou moins valables comme nous le verrons dans les 2 chapitres suivants.

 

 

1.    L’atome de Thomson (1897)

En 1897, THOMSON découvre l’électron au cours d’une expérience de rayons cathodiques et se rend compte que le rapport charge/masse était de 1011 cb/kg. Il en déduit que les particules chargées de l’atome responsable des raies spectrales, sont des électrons. En collaboration avec Lord KELVIN, il tente alors d’élaborer un modèle d’atome à base d’électrons : un atome consisterait en plusieurs électrons (appelons ce nombre d’électrons Z), au sein d’un nuage de charges positives. Ce nuage, lourd, constituerait l’essentiel de la masse de l’électron. La charge de ce nuage serait Ze, neutralisant ainsi celle des électrons, -Ze, et donnant lieu à ce que l’on appelle un atome, par définition neutre.

Les électrons sont "perturbés", c’est-à-dire qu’ils vibrent autour de leur position d’équilibre, et émettent de la lumière ainsi de la lumière (rappelons que seules les particules chargées qui sont en accélération, peuvent émettre de l’énergie, ici sous forme lumineuse). Cependant si le modèle de THOMSON prédit bien une émission de lumière dont la longueur d’onde est du même ordre de grandeur que celle effectivement observée ; il ne permet cependant pas d’expliquer les raies spectrales, celles de H par exemple qui ne devrait comporter qu’une raie spectrale dans l’UV lointain.

 

 

2.    L’atome de Rutherford (1911)

En 1911, le physicien RUTHERFORD détermine l'existence du noyau atomique. Il émet l'hypothèse que tous les atomes sont constitués d'un noyau dense chargé positivement autour duquel tournent, comme les planètes autour du Soleil, des électrons chargés négativement. Or la théorie électromagnétique classique développée par le physicien britannique James MAXWELL prédit sans équivoque qu'un électron tournant autour du noyau rayonne continuellement de l'énergie électromagnétique à cause de son accélération jusqu'à épuisement total de son énergie. Ainsi, d'après la théorie classique, l’atome décrit par RUTHERFORD serait instable…ce qui est bien contraire à ce que nous observons tous les jours, la matière ne s’en va pas brusquement en fumée! Ce modèle bien que simple, est en fait très loin de la réalité.

 

 

3.    L’atome de Bohr (1913)

Cette lacune amène le physicien danois Niels BOHR à postuler en 1913, que la théorie classique n'est plus valable pour un atome et que les électrons se déplacent sur des orbites placées à des distances déterminées du noyau. Il s’appuie donc sur la mécanique classique à laquelle on adjoint le principe de quantification. Cependant, la mécanique quantique n'est pas aussi facile et l'image donnée par Bohr est pour fausse malgré qu’elle ait l’avantage de donner un modèle simple et facile à comprendre. En effet, pour Bohr, les électrons décrivent un cercle de rayon r autour du noyau, et par conséquent, la vitesse de cet électron est constante. Mais ceci serait valable pour tout r, ce qui voudrait dire que toutes les orbites sont possibles et par conséquent toutes les énergies aussi, ce qui est contraire à l’expérience.

 

 

 

 

 

 

 


L’énergie totale est comme toujours la somme des énergies cinétique et potentielle et vaut :

. L’énergie E1 est appelée énergie de Bohr ou état fondamental.

Pour expliquer la stabilité de son modèle, Bohr suppose les trois propositions suivantes :

  1. Les orbites stables sont celles pour lesquelles le moment cinétique orbital est quantifié.
  2. Sur ces orbites stables, l’électron ne rayonne pas d’énergie malgré son mouvement accéléré. On se demande immédiatement pourquoi, vu ue cette affirmation est en contradiction flagrante avec les lois de Maxwell !
  3. Un électron passe spontanément d’une orbite haute vers une orbite basse en émettant une OEM (onde électromagnétique) dont l’énergie est donnée par la différence des énergies :. C’est ce qui permet par exemple d’expliquer les raies de l’hydrogène qui résultent de la transition d’un électron situé sur un niveau d’énergiecaractérisé par le nombre quantique n2 vers le niveau d’énergiecaractérisé par n1, avec n1>n2. Ce passage se fait comme on l’a dit avec émission d’un photon dont la fréquence sera telle que : .

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Figure 1 : Raies de l'hydrogène H

 

Série de Lyman     (1916) : n1=1 ; n2=2, 3, …                      dans l’UV

Série de Balmer    (1885) : n1=2 ; n2=3, 4, …                      dans le visible et l’IR

Série de Paschen  (1908) : n1=3 ; n2=4, 5, …                     

Série de Brackett  (1922) : n1=4 ; n2=5, 6, …

Série de Pfund      (1924) : n1=5 ; n2=6, 7, …

Ce modèle, bien que simple et permettant de comprendre certains phénomènes, a quand même les défauts suivants :

  1. Aucune justification de la quantification introduite.
  2. Suppose que n est relié au moment orbital de l’électron…ce qui est faux en réalité.
  3. Est un modèle déterministe alors que la réalité est probabiliste.
  4. Ne permet pas de reproduire la dégénérescence des niveaux d’énergie.

En effet les électrons ne tournent pas en réalité autour du noyau. Ce sont en fait des objets quantiques qui ne sont pas modélisables par des points et qui ne possèdent pas de trajectoire déterminée. Les électrons n'occupent pas une position précise mais sont diffus. Ils ne sont pas à tel endroit ou pas, mais ils ont une probabilité donnée d’être à cet endroit. On les décrit par une fonction d'onde Y(r,t) qui permet de déterminer la probabilité de leur présence en un lieu et à un instant donné. On représente communément cette probabilité par des sortes de nuages flous (appelés orbitales atomiques) plus ou moins denses selon cette probabilité.

 

 

4.    L’atome de Rydberg

On peut aussi fabriquer en laboratoire des atomes H ayant un nombre quantique principal n élevé (n@10-300). Comme le rayon varie en n², leur taille (qui peut atteindre le centième de mm.), est gigantesque par-rapport aux dimensions atomiques usuelles. On appelle ces atomes des atomes de Rydberg. Leur temps de vie est beaucoup plus long que celui des atomes d’H peu excités (l’ordre de la seconde comparé à celui de 10-8). Ces atomes qui ont un n pouvant aller jusqu’à 350, existent dans l’espace où ils furent détectés vers 1965.

 

 

5.    L’atome de Sommerfeld et Wilson

Le modèle de Bohr fut amélioré par Sommerfeld et Wilson pour essayer de reproduire la richesse des raies spectroscopiques observées. Cette démarche correspond à ce que l’on appelle la mécanique des quanta. Des études plus fines ont montré que les raies de la série de Balmer sont en fait formées de composantes très voisines appelées, pour cette raison, multiplets, ce que le modèle de Bohr ne permet pas de prévoir. Pour interpréter ces multiplets les deux chercheurs ont généralisé le modèle de Bohr en supposant des trajectoires elliptiques au lieu de circulaires. Partant de cette idée et comme la trajectoire est plane, ils sont passé en coordonnées polaires (r,q), et ils ont introduit deux postulats de quantification l’un dans la direction radiale et représenté par nr, l’autre dans la direction azimutale avec nq, cette dernière condition étant l’hypothèse de quantification expérimentale et inexpliquée de Bohr. Dans ce cas, les niveaux d’énergie sont donnés dans ce cas par :

Ainsi formulé, ce modèle à orbitales elliptiques permet de retrouver les mêmes séries de raies spectrales que celui de Bohr mais cette fois, celles-ci peuvent être émises de plusieurs façons différentes.

 

 

6.    Le modèle de Goeppert-Mayer (1949)

Maria Goeppert-Mayer découvre en 1949 d’étonnantes irrégularités dans les propriétés du noyau dont la cohésion est accrue lorsqu’il contient des nombres spécifiques de protons ou de neutrons. Ces nombres sont vite qualifiés de magiques. La chercheuse propose lors une nouvelle structure pour les noyaux : de la même manière que les électrons dans le noyau, les neutrons et les protons seraient rangés dans des couches correspondant à des énergies différentes. Ces couches auraient aussi un nombre limité d’emplacements. De la même manière que les électrons autour du noyau atomique, les nucléons sont aussi plongés dans un champ de potentiel mais qui résulte de la présence des nucléons eux-mêmes. En outre, la force concernée est une nouvelle force nucléaire : la force nucléaire forte. Un nombre magique de protons ou de neutrons correspondrait alors au remplissage complet d’une couche, de la même manière que le remplissage d’une couche pour les électrons rend les corps correspondants rares et plus stables. Cette découverte vaudra le prix Nobel à Maria Goeppert-Mayer. On pourrait se demander comment un tel champ de potentiel peut se créer alors que la portée de la force nucléaire forte est limitée au dixième de la taille d’un atome…la réponse est à nouveau quantique. En effet, un nucléon, particule quantique, est délocalisé dans tout le noyau, il peut donc interagir ave tous les autres noyaux, et malgré que la force à un instant donné est sans doute effectivement limitée à une partie de l’atome, la force moyenne est elle sur tout le noyau.

La recherche des noyaux magiques (qui contiennent un nombre magique de neutrons ou de protons)  s’est alors développée jusqu’à aujourd’hui, puisque le dernier noyau doublement magique (contenant simultanément des nombres magiques de protons et de neutrons), le Ni48, n’a été découvert que fin 1999…

Cependant, on en est encore aux balbutiements de cette théorie. En effet, on ne sait pas par exemple expliquer la disparition de certains nombres magiques ou l’apparition de nouveaux nombres quand ils apparaissent dans des configurations bien particulières. Par exemple, une récente expérience faite au GANIL semble montrer que  le Ni68 (28 protons et 40 neutrons) est un de ces nombres doublements magiques alors que 40 n’était pas un nombre magique connu. A l’inverse, dans les années 70 au CERN, le Mg32 qui devait être doublement magique avec ses 12 protons et ses 20 neutrons semblait avoir perdu la "magie" du nombre 20 pour le cas particulier de ce noyau. Mais il y a aussi d’autres problèmes : les contorsions nécessaires pour que les modèles nucléaires, centrés autour de l’idée de couches, réussissent à modéliser la disparition de la couche à 20 neutrons pour les noyaux pauvres en protons ne résolvent pas tous les problèmes comme les observations expérimentales autour de la couche suivante à 28 neutrons pauvres en protons.

 

 

7.    Les noyaux exotiques

Comment fabriquer des noyaux exotiques, dont les proportions de neutrons et de protons s’écartent fortement de celles des noyaux stables qui nous entourent ? Les physiciens nucléaires ont mis au point les trois méthodes suivantes, fondées sur le bombardement d’une cible par un faisceau de particules accélérées :

a)      La fragmentation de noyaux stables

Par cette méthode, on peut choisir de fragmenter les cibles ou les projectiles. Dans le premier cas, la collision violente d’un faisceau d’ions lourds avec une cible mince casse une partie des ions incidents en plusieurs fragments comme le montre la figure 2. On peut aussi préférer fragmenter les noyaux des atomes qui constituent la cible en bombardant celle-ci avec u faisceau très énergétique de protons ou de neutrons comme le montre la figure 3 (on parle alors de spallation). Dans tous les cas, les fragments produits sont plus légers que les éléments de la cible ou des projectiles et parmi eux se trouvent quelques noyaux riches en protons ou en neutrons. Cette méthode permet de produire des noyaux riches en neutrons et protons, mais sans pour autant que ceux ci soient notablement plus lourds que les noyaux des cibles ou des particules incidentes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Figure 2 : Formation de noyaux stables par fragmentation des projectiles

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Figure 3 : Formation  de noyaux stables par fragmentation des cibles

b)      La fusion/évaporation

Cette méthode permet aussi l’obtention de noyaux superlourds par un procédé analogue au précédent : en envoyant des noyaux incidents moins énergétiques (de manière à ne pas faire "exploser" la cible mais à faire fusionner certains de ses composants avec des noyaux incidents), il est possible de former ainsi des composés excités et donc instables. Ceux-ci vont alors dégager de l’énergie en émettant des neutrons, des protons et des particules a (noyaux d’He constitués pas 2 protons et 2 neutrons), en faisant apparaître des composés plus lourds que les originaux. Cette méthode est très employée pour fabriquer des noyaux super lourds, car les composés formés ont plus de chance d’être plus beaucoup lourds que ceux formés comme précédemment, résultant d’une fusion et non d’une fragmentation.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Figure 4 : Obtention de noyaux super lourds par évaporation/fusion

 

c)       La fission spontanée des noyaux lourds

Cette dernière méthode utilise des atomes lourds comme l’uranium. On déclenche cette fission en envoyant un jet de neutrons peu énergétiques sur la cible (fig. 5). Comme les noyaux lourds stables contiennent de forts excès de neutrons et que si on ne les excite pas trop, ils émettent peu de neutrons pendant la fission, on obtient surtout des éléments légers eux auss riches en neutrons.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 Figure 5 : Obtention de noyaux légers par fission spontanée de noyaux lourds

Les choix des matériaux de la cible et des particules du faisceau, ainsi que de l’énergie avec laquelle celles-ci arrivent sur  la cible, orientent les réactions. Dans le cas de la fusion/évaporation et de la fission, les théories permetten,t de prévoir quels les éléments sont susceptibles de se former lors de ces réactions.

Sur le plan expérimental, une des grandes difficultés est le tri et l’identification des noyaux exotiques formés lors des collisions. D’un part, les noyaux exotiques recherchés sont toujours ultra minoritaires parmi la multitude  de noyaux de toute sorte qui se forment  quasi simultanément lors  de l’interaction du faisceau et de la cible. Il fait donc les trier, en guidant sur des zones différentes des appareillages les noyaux de masse et de charge différentes, à l’aide de champs électromagnétiques. On utilise aussi pour les identifier les seuls témoins de leur brève existence que sont les produits de leur désintégration ou les autres fragments formés lors des collisions qui leur ont donné naissance.

D’autre part, la durée de vie des noyaux qui intéressent les physiciens est courte : il faut donc aller très vite pour les trier, les identifier et mesurer les propriétés désirées.