Chapitre I- L’histoire des atomes
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"Quiconque peut contempler la mécanique quantique sans avoir le
vertige, n’y a rien compris"
Niels BOHR
table des matières de la page :
2. L’atome
de Rutherford (1911)
5. L’atome
de Sommerfeld et Wilson
6. Le
modèle de Goeppert-Mayer (1949)
a) La fragmentation de noyaux stables
c) La fission spontanée des noyaux lourds
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La physique quantique, voilà un domaine qui
échappe au sens commun. Comme l’a dit Richard
FEYMANN, "I can safely say that nobody understands quantum physics".
En effet,
elle choque nos habitudes humaines : qui pourrait s’imaginer un monde à 11
dimensions, des mondes parallèles, des particules qui ont des vies différentes
suivant les mondes où elles se trouvent … Elle est intimement liée avec le
monde qui nous entoure dans la mesure où elle permet de décrire les propriétés
dynamiques des particules subatomiques et les interactions entre la matière et
le rayonnement. Nous l’utilisons sans problème comme par exemple dans le cas du
microscope à effet tunnel, mais en même temps elle prend place dans un monde
mathématique inconcevable pour nous, humains. Cependant, la théorie quantique
reste pour le moment en marge par rapport aux 3 autres grandes théories, soit
la relativité générale et les interactions forte et faible ; car il
n’existe pas encore à l’heure actuelle de grande théorie unificatrice, même si
on a plusieurs candidats plus ou moins valables comme nous le verrons dans les
2 chapitres suivants.
En 1897, THOMSON
découvre l’électron au cours d’une expérience de rayons cathodiques et se rend
compte que le rapport charge/masse était de 1011 cb/kg. Il en déduit que les
particules chargées de l’atome responsable des raies spectrales, sont des
électrons. En collaboration avec Lord KELVIN, il tente alors d’élaborer un modèle d’atome à base
d’électrons : un atome consisterait en plusieurs électrons (appelons ce
nombre d’électrons Z), au sein d’un nuage de charges positives. Ce nuage,
lourd, constituerait l’essentiel de la masse de l’électron. La charge de ce
nuage serait Ze, neutralisant ainsi celle des électrons, -Ze, et donnant lieu à
ce que l’on appelle un atome, par définition neutre.
Les électrons sont
"perturbés", c’est-à-dire qu’ils vibrent autour de leur position
d’équilibre, et émettent de la lumière ainsi de la lumière (rappelons que
seules les particules chargées qui sont en accélération, peuvent émettre de
l’énergie, ici sous forme lumineuse). Cependant si le modèle de THOMSON
prédit bien une émission de lumière dont la longueur d’onde est du même ordre
de grandeur que celle effectivement observée ; il ne permet cependant pas
d’expliquer les raies spectrales, celles de H par exemple qui ne devrait
comporter qu’une raie spectrale dans l’UV lointain.
En 1911, le physicien RUTHERFORD détermine l'existence du noyau atomique. Il émet
l'hypothèse que tous les atomes sont constitués d'un noyau dense chargé
positivement autour duquel tournent, comme les planètes autour du Soleil, des
électrons chargés négativement. Or la théorie électromagnétique classique
développée par le physicien britannique James MAXWELL prédit
sans équivoque qu'un électron tournant autour du noyau rayonne continuellement
de l'énergie électromagnétique à cause de son accélération jusqu'à épuisement
total de son énergie. Ainsi, d'après la théorie classique, l’atome décrit par RUTHERFORD serait instable…ce qui
est bien contraire à ce que nous observons tous les jours, la matière ne s’en
va pas brusquement en fumée! Ce modèle bien que simple, est en fait très loin
de la réalité.
Cette lacune amène le physicien danois Niels BOHR à postuler en 1913, que la théorie classique n'est plus valable
pour un atome et que les électrons se déplacent sur des orbites placées à des
distances déterminées du noyau. Il s’appuie donc sur la mécanique classique à
laquelle on adjoint le principe de quantification. Cependant, la mécanique
quantique n'est pas aussi facile et l'image donnée par Bohr est pour fausse
malgré qu’elle ait l’avantage de donner un modèle simple et facile à
comprendre. En effet, pour Bohr, les électrons décrivent un cercle de rayon r
autour du noyau, et par conséquent, la vitesse de cet électron est constante.
Mais ceci serait valable pour tout r, ce qui voudrait dire que toutes les
orbites sont possibles et par conséquent toutes les énergies aussi, ce qui est
contraire à l’expérience.
L’énergie totale est comme toujours la somme des énergies
cinétique et potentielle et vaut :
. L’énergie E1
est appelée énergie
de Bohr ou état fondamental.
Pour expliquer la stabilité de son modèle, Bohr suppose
les trois propositions suivantes :
Figure 1 : Raies de l'hydrogène H
Série de Lyman (1916) : n1=1 ; n2=2,
3, … dans l’UV
Série de Balmer (1885) : n1=2 ; n2=3,
4, … dans le visible
et l’IR
Série de Paschen (1908) : n1=3 ; n2=4,
5, …
Série de Brackett (1922) : n1=4 ; n2=5,
6, …
Série de Pfund (1924) : n1=5 ; n2=6,
7, …
Ce modèle, bien que simple et permettant de comprendre
certains phénomènes, a quand même les défauts suivants :
En effet les électrons ne tournent pas en réalité autour
du noyau. Ce sont en fait des objets quantiques qui ne sont pas modélisables
par des points et qui ne possèdent pas de trajectoire déterminée. Les électrons
n'occupent pas une position précise mais sont diffus. Ils ne sont pas à tel
endroit ou pas, mais ils ont une probabilité donnée d’être à cet endroit. On
les décrit par une fonction d'onde Y(r,t) qui permet
de déterminer la probabilité de leur présence en un lieu et à un instant donné.
On représente communément cette probabilité par des sortes de nuages flous
(appelés orbitales atomiques) plus ou moins denses selon cette probabilité.
On peut aussi fabriquer en laboratoire des atomes H ayant
un nombre quantique principal n élevé (n@10-300). Comme le rayon
varie en n², leur taille (qui peut atteindre le centième de mm.), est
gigantesque par-rapport aux dimensions atomiques usuelles. On appelle ces
atomes des atomes
de Rydberg. Leur temps de vie est beaucoup
plus long que celui des atomes d’H peu excités (l’ordre de la seconde comparé à
celui de 10-8). Ces atomes qui ont un n pouvant aller jusqu’à 350,
existent dans l’espace où ils furent détectés vers 1965.
Le modèle de Bohr fut amélioré par Sommerfeld et Wilson pour essayer de
reproduire la richesse des raies spectroscopiques observées. Cette démarche
correspond à ce que l’on appelle la mécanique des quanta. Des études plus fines ont montré que les raies de la
série de Balmer sont en fait formées de composantes très voisines
appelées, pour cette raison, multiplets, ce que le modèle de Bohr ne permet pas de
prévoir. Pour interpréter ces multiplets les deux chercheurs ont généralisé le
modèle de Bohr en supposant des trajectoires elliptiques au lieu de
circulaires. Partant de cette idée et comme la trajectoire est plane, ils sont
passé en coordonnées polaires (r,q), et ils ont introduit
deux postulats de quantification l’un dans la direction radiale et représenté
par nr, l’autre dans la direction azimutale avec nq, cette dernière condition étant
l’hypothèse de quantification expérimentale et inexpliquée de Bohr. Dans
ce cas, les niveaux d’énergie sont donnés dans ce cas par :
Ainsi formulé, ce modèle à orbitales elliptiques permet
de retrouver les mêmes séries de raies spectrales que celui de Bohr mais
cette fois, celles-ci peuvent être émises de plusieurs façons différentes.
Maria Goeppert-Mayer découvre en 1949
d’étonnantes irrégularités dans les propriétés du noyau dont la cohésion est
accrue lorsqu’il contient des nombres spécifiques de protons ou de neutrons.
Ces nombres sont vite qualifiés de magiques. La chercheuse propose lors une nouvelle
structure pour les noyaux : de la même manière que les électrons dans le
noyau, les neutrons et les protons seraient rangés dans des couches
correspondant à des énergies différentes. Ces couches auraient aussi un nombre
limité d’emplacements. De la même manière que les électrons autour du noyau
atomique, les nucléons sont aussi plongés dans un champ de potentiel mais qui
résulte de la présence des nucléons eux-mêmes. En outre, la force concernée est
une nouvelle force nucléaire : la force nucléaire forte. Un nombre magique de protons ou de neutrons
correspondrait alors au remplissage complet d’une couche, de la même manière
que le remplissage d’une couche pour les électrons rend les corps
correspondants rares et plus stables. Cette découverte vaudra le prix Nobel à Maria
Goeppert-Mayer. On pourrait se demander comment un tel champ de potentiel
peut se créer alors que la portée de la force nucléaire forte est limitée au
dixième de la taille d’un atome…la réponse est à nouveau quantique. En effet,
un nucléon, particule quantique, est délocalisé dans tout le noyau, il peut
donc interagir ave tous les autres noyaux, et malgré que la force à un instant
donné est sans doute effectivement limitée à une partie de l’atome, la force moyenne
est elle sur tout le noyau.
La recherche des noyaux magiques (qui contiennent
un nombre magique de neutrons ou de protons)
s’est alors développée jusqu’à aujourd’hui, puisque le dernier noyau doublement magique (contenant
simultanément des nombres magiques de protons et de neutrons), le Ni48, n’a été
découvert que fin 1999…
Cependant, on en est encore aux balbutiements de cette
théorie. En effet, on ne sait pas par exemple expliquer la disparition de
certains nombres magiques ou l’apparition de nouveaux nombres quand ils
apparaissent dans des configurations bien particulières. Par exemple, une
récente expérience faite au GANIL semble montrer que le Ni68 (28 protons et 40 neutrons) est un de ces nombres
doublements magiques alors que 40 n’était pas un nombre magique connu. A
l’inverse, dans les années 70 au CERN, le Mg32 qui devait être doublement
magique avec ses 12 protons et ses 20 neutrons semblait avoir perdu la
"magie" du nombre 20 pour le cas particulier de ce noyau. Mais il y a
aussi d’autres problèmes : les contorsions nécessaires pour que les
modèles nucléaires, centrés autour de l’idée de couches, réussissent à
modéliser la disparition de la couche à 20 neutrons pour les noyaux pauvres en
protons ne résolvent pas tous les problèmes comme les observations
expérimentales autour de la couche suivante à 28 neutrons pauvres en protons.
Comment fabriquer des noyaux exotiques, dont les
proportions de neutrons et de protons s’écartent fortement de celles des noyaux
stables qui nous entourent ? Les physiciens nucléaires ont mis au point
les trois méthodes suivantes, fondées sur le bombardement d’une cible par un
faisceau de particules accélérées :
Par cette méthode, on peut choisir de fragmenter les
cibles ou les projectiles. Dans le premier cas, la collision violente d’un
faisceau d’ions lourds avec une cible mince casse une partie des ions incidents
en plusieurs fragments comme le montre la figure 2. On peut aussi préférer
fragmenter les noyaux des atomes qui constituent la cible en bombardant
celle-ci avec u faisceau très énergétique de protons ou de neutrons comme le
montre la figure 3 (on parle alors de spallation). Dans tous les
cas, les fragments produits sont plus légers que les éléments de la cible ou
des projectiles et parmi eux se trouvent quelques noyaux riches en protons ou
en neutrons. Cette méthode permet de produire des noyaux riches en neutrons et
protons, mais sans pour autant que ceux ci soient notablement plus lourds que
les noyaux des cibles ou des particules incidentes.
Figure 2 : Formation de noyaux stables par fragmentation des projectiles
Figure 3 : Formation de noyaux stables par fragmentation des cibles
Cette méthode permet aussi l’obtention de noyaux
superlourds par un procédé analogue au précédent : en envoyant des noyaux
incidents moins énergétiques (de manière à ne pas faire "exploser" la
cible mais à faire fusionner certains de ses composants avec des noyaux
incidents), il est possible de former ainsi des composés excités et donc
instables. Ceux-ci vont alors dégager de l’énergie en émettant des neutrons,
des protons et des particules a (noyaux d’He constitués pas 2 protons et 2 neutrons), en
faisant apparaître des composés plus lourds que les originaux. Cette méthode
est très employée pour fabriquer des noyaux super lourds, car les composés
formés ont plus de chance d’être plus beaucoup lourds que ceux formés comme
précédemment, résultant d’une fusion et non d’une fragmentation.
Figure 4 : Obtention de noyaux super lourds par évaporation/fusion
Cette dernière méthode utilise des atomes lourds comme l’uranium. On
déclenche cette fission en envoyant un jet de neutrons peu énergétiques sur la
cible (fig. 5). Comme les noyaux lourds stables contiennent de forts excès de
neutrons et que si on ne les excite pas trop, ils émettent peu de neutrons
pendant la fission, on obtient surtout des éléments légers eux auss riches en
neutrons.
Figure 5 : Obtention de noyaux légers par fission spontanée de noyaux lourds
Les choix des matériaux de la cible et des particules du faisceau, ainsi
que de l’énergie avec laquelle celles-ci arrivent sur la cible, orientent les réactions. Dans le cas de la
fusion/évaporation et de la fission, les théories permetten,t de prévoir quels
les éléments sont susceptibles de se former lors de ces réactions.
Sur le plan expérimental, une des grandes difficultés est
le tri et l’identification des noyaux exotiques formés lors des collisions.
D’un part, les noyaux exotiques recherchés sont toujours ultra minoritaires
parmi la multitude de noyaux de toute
sorte qui se forment quasi
simultanément lors de l’interaction du
faisceau et de la cible. Il fait donc les trier, en guidant sur des zones
différentes des appareillages les noyaux de masse et de charge différentes, à
l’aide de champs électromagnétiques. On utilise aussi pour les identifier les
seuls témoins de leur brève existence que sont les produits de leur
désintégration ou les autres fragments formés lors des collisions qui leur ont
donné naissance.
D’autre part, la durée de vie des noyaux qui intéressent
les physiciens est courte : il faut donc aller très vite pour les trier,
les identifier et mesurer les propriétés désirées.