QUELQUES BIOGRAPHIES DE PHYSICIENS ET MATHEMATICIENS ***** |
Khwarizmi,
qui n'a pas sans doute en Europe la célébrité qu'il mérite. Nous lui devons
rien moins que notre système décimal de numération, et deux mots
fondamentaux dans le vocabulaire des mathématiques, celui d'Algorithme et
celui d'Algèbre. Il accomplit dans ce dernier domaine un progrès
notable, par son traitement systématique des équations de degré 2.
Il
représente ici la nombreuse et valeureuse cohorte des mathématiciens arabes,
parmi lesquels on peut citer Thâbit ibn Qurra (mort en 901), Ibn al-Haytham,
dit Alhazen (965-1039), al Karaji,qui vécut vers l'an 1000, Omar al-Khayyam (1048-1122),
al-Tüsi (vers 1170), al-Samaw'al (mort en 1174), et bien d'autres. . . Il se
trouve qu'al-Khwarizmi est chronologiquement le premier d'entre eux. Il fut
membre de la "Maison de la Sagesse", à Bagdad (une sorte de centre de
recherche, on peut penser au "Musée" d'Alexandrie, dont firent partie
Euclide et Eratosthène).
Fondateur
donc des mathématiques arabes, il fut aussi l'introducteur dans son aire
culturelle d'une grande partie des connaissances de l'Inde en
mathématiques. Il écrivit un traité, que l'on n'a pas retrouvé (mais que l'on
connaît par l'intermédiaire de ses traductions en latin), dans lequel il
exposait le système décimal indien, les méthodes de calcul dans ce système (
addition, soustraction, multiplication. . . ), mais aussi les fractions,
certains calculs en système sexagésimal, les racines carrées. . .
S'il
donna aux Arabes les connaissances indiennes, al-Khwarizmi les offrit aussi à
l'Occident, puisque c'est grâce à la traduction de ses livres en latin que les
Européens purent connaître et adopter le système décimal indien, largement
perfectionné entre temps par les Arabes. Ces traductions n'apparaissent en
Europe qu'au XIIème siècle, sous les titres significatifs de Dixit Algorizmi
("Al-Khwarizmi a dit que. . . "), ou (pour le même livre) "De
numero Indorum (Le Nombre des Indiens), ou Liber Alchorismi (le
livre d'Al-Khwarizmi). Ce nouvel et magnifique système de calcul fut donc
désigné par les Européens du nom d'algorisme, en hommage à l'auteur de
ces ouvrages. On peut donc dire qu'al-Khwarizmi fut le messager du système
décimal indien, qui est désormais un élément important de la culture
universelle, non seulement dans sa propre civilisation, mais aussi vers
l'Europe, par l'intermédiaire des traductions en latin de ses ouvrages.
Al-Khwarizmi
a un autre titre de gloire, c'est d'avoir écrit un traité sur les équations
du second degré. Celles-ci étaient connues depuis des millénaires, par les
Babyloniens par exemple, et des méthodes générales de résolution avaient été
données pour certains types d'entre elles par Euclide. Mais c'est al-Khwarimi
qui élabore le premier une classification générale, grâce à une vision globale
du problème. Il n'utilise aucune notation littérale, et toutes ses résolutions
de font en langage "courant". L'inconnue est désignée comme "la
racine" ou "la chose". Les résolutions se font, non
pas au moyen de calculs, mais à l'aide de constructions géométriques, dans le
style euclidien. Le titre de son ouvrage est Kitâb al-jabr wa al-muqâbala,
ce que l'on peut traduire par "le livre du rajout et de l'équilibre".
L'ouvrage fut traduit en latin au XIIème siècle, sous le titre d'Algèbre (Algebra
en latin), car le traducteur conserva le mot arabe (le même phénomène se
produit de nos jours pour des mots anglais comme "bug", ou
"plug-in", que les traducteurs n'ont pas l'énergie de traduire en
français). Voici donc l'origine d'un des mots les plus importants des
mathématiques.
Mais
outre le mot, Al-Khwarizmi introduisit dans les pays arabes comme en Occident
l'intérêt pour la disciplina elle-même, éveillé également par les ouvrages
d'Euclide ou de Diophante. Le successeurs arabes firent faire des progrès
remarquables à l'algèbre. Il ne restait plus à la Renaissance qu'à résoudre de
façon générale l'équation du troisième degré (voir Cardan) avant celle de degré
5 (résolution impossible, comme l'a démontré Évariste Galois).
Fils d'un fonctionnaire de Minden
et d'une mère, fille d'un pasteur de Rheme, Bessel appartient à une famille
nombreuse de six filles et trois garçons. Deux de ses frères deviennent juges à
la cour provinciale, mais au désespoir de ses parents, le jeune Friedrich
abandonne ses études; son succès relatif en physique et en mathématiques ne
compense pas ses difficultés en latin. Dans le but de devenir apprenti
marchand, il entre chez Kulenkamp de Brêmes, le 1er janvier 1799. Très vite, il
maîtrise le calcul et la comptabilité commerciale. Comme le commerce étranger
l'intéresse, il étudie, de nuit, la géographie; de la même façon, il apprend
l'espagnol et l'anglais en trois mois. Un peu plus tard, visant le poste
d'officier sur un cargo, il s'initie à la détermination de la position d'un
bateau; il s'intéresse par conséquent à l'astronomie. Ne se contentant pas de
pouvoir naviguer avec les étoiles, il désire approfondir les choses, et c'est
ainsi qu'il commence à étudier sérieusement l'astronomie. Il lit bientôt des
ouvrages complexes. En 1804, après avoir lu un livre d'Olbers expliquant une
façon simple de calculer l'orbite d'une comète, il présente ses calculs de
l'orbite de la comète Halley à Olbers. Ce dernier, très impressionné, lui
obtient un poste. En 1806, Bessel devient assistant à l'Observatoire de
Schröter, sur la recommandation d'Olbers. Il y observe les comètes et les
planètes, principalement Saturne. En 1810, Frédéric-Guillaume III, roi de
Prusse, lui confie la construction d'un observatoire à Königsberg. Bessel en
sera le directeur jusqu'à sa mort. Il est reçu membre de l'Académie des
Sciences de Berlin, en 1812.
Ses principales contributions sont la construction
d'appareils très précis pour le positionnement des étoiles et des planètes. Il
effectue la première mesure d'une parallaxe stellaire. Il complète le catalogue
de 75 000 étoiles jusqu'à la magnitude 9. Il raffine le calcul astronomique en
créant de nouvelles méthodes appliquées au calcul de perturbation planétaire.
On lui doit l'année-lumière comme unité de longueur. Ses tout derniers travaux
ont trait à l'orbite de Neptune; il démontre que son orbite irrégulière ne peut
être due uniquement à Jupiter, Saturne et Uranus et qu'il se pourrait qu'il y
ait une autre planète. Pluton ne sera découverte qu'en 1930.
À partir de 1840, sa santé se détériore. Après deux ans de
souffrance, il meurt d'un cancer, non sans avoir eu la peine de voir mourir ses
deux fils.
Originaire d'Anvers, réfugiée à Bâle à la fin du XVIe
siècle, la famille des Bernoulli a joué, en l'espace de trois générations, un rôle
primordial dans les sciences des XVIIe et XVIIIe siècles.
Fils d'un conseiller d'Etat, Jacques 1er
(Bâle, 1654 – id., 1705) et Jean 1er (Bâle, 1667 – id., 1748) sont
amenés à l'étude des mathématiques par des voies détournées. Destiné par son
père à la théologie, Jacques ne tarde cependant pas à se rebeller ; il se lance
dans l'apprentissage de l'astronomie et des mathématiques puis initie son cadet
Jean, promis lui au commerce. Les deux frères nourrissent une même passion pour
le calcul infinitésimal leibnizien qu'ils vont contribuer à développer et à
propager. Entre 1687 et 1690, Jacques Bernoulli travaille ainsi au
perfectionnement de ce nouveau mode de calcul. Nommé professeur à l'université
de Bâle, il publie la première intégration d'une équation différentielle qui
porte aujourd'hui son nom. Il résout les problèmes de l'isopérimètre (recherche
parmi toutes les courbes de même longueur de celle qui limite une aire
maximale) et de la courbe brachystochrone (recherche de la courbe de descente
la plus rapide pour un point pesant), initiant le calcul des variations. Son
ouvrage posthume Ars conjectandi (1713) pose les fondements de la
théorie statistique du calcul des probabilités ; on y retrouve pour la première
fois les fameux nombres de Bernoulli.
De son côté, Jean Bernoulli se consacre à la diffusion du
calcul infinitésimal à travers l'Europe ; il devient le correspondant
privilégié de Leibniz et de nombreux autres scientifiques, à tel point qu'on
lui discerne le titre de "praeceptor mathematicus Europae".
Terriblement orgueilleux, Jean ne supporte pas l'idée d'être le second après
son frère auquel il lance toutes sortes de défis mathématiques. Travaillant à
la résolution de problèmes concrets, il étudie les marées et la manœuvre des
vaisseaux, développe le principe des déplacements virtuels et introduit le
symbole g pour parler de l'accélération de la pesanteur. Jean Bernoulli est
également un remarquable professeur qui succèdera à son frère à l'université de
Bâle en 1705 où il aura pour élève un certain Leonhard Euler...
Le fils de Jean, Daniel,
est sans doute le plus important de la seconde génération des Bernoulli. Après
des études de médecine et de mathématiques, il rejoint l'Académie de
Saint-Pétersbourg avec son frère Nicolas II. Là, il poursuit des recherches
fondamentales en hydrodynamique et théorie de l'élasticité. Le fruit de ses
travaux est publié en 1738 ; Hydrodynamica expose les premiers principes
de la théorie cinétique des gaz. Successivement professeur de physique, de
botanique, d'anatomie et de philosophie, Daniel Bernoulli étudie les cordes
vibrantes avec Euler et d'Alembert et propose les lois qui portent son nom,
concernant les vibrations de l'air dans les tuyaux sonores.
L'anglais
Boole apparaît dans notre liste comme une figure de mathématicien représentant
le lien entre les mathématiques d'une part, et d'autre part la logique
et l'informatique. On pourrait citer aussi, dans ce rôle, Gottfried
Leibniz, avec ses recherches sur la Logique et le système binaire, et sa
machine arithmétique, John von Neumann (1903-1957), ou Alan Türing (1912-1954),
deux mathématiciens très postérieurs à Boole et d'une bien plus grande
envergure. Mais le calcul inventé par Boole est vraiment à la base même de
l'informatique.
L'idée
de base de Boole fut de ramener les lois de la Logique à un calcul, à une
algèbre. Il "additionne" les concepts X et Y, obtenant ainsi le
concept X + Y, qui correspond en logique à "X ou Y", et en, théorie
des ensembles (qui est postérieure à Boole), à X U Y. Mais il
"multiplie" également les concepts, XY correspondant en logique à
"X et Y" et pour les ensembles à l 'intersection de X et Y.
Boole suppose l'existence d'un concept "vide", 0, et d'un concept
"contenant tous les autres", noté 1. 1 - X est alors le
"contraire de X", ou encore son ensemble complémentaire. La théorie
de Boole présentait un défaut, corrigé par William S. Jevons, qui était de ne
pouvoir additionner que des concepts disjoints (vérifiant XY = 0). Une fois ce
défaut corrigé, et cette contrainte abandonnée, les calculs de Boole
fonctionnent très bien, même si leurs propriétés peuvent au premier abord
paraître curieuses. On a pour tout X, tout Y, tout Z : X + X = X, XX = X, 1 + X
= 1, 0 . X = 0, X (1 - X) = 0, z(X + Y) = ZX + ZY, Z + (XY) = (Z + X). (Z + Y).
. . On peut échanger les opérations d'addition et de multiplication (à
condition d'échanger aussi le 0 et le 1). Attention en revanche,
le - de (1 - X) n'est pas une vraie opération, on ne peut pas écrire
(1 - X) (1 - Y) = 1 - (X + Y) + XY, comme on serait peut être tenté de le
faire.
Les
algèbres de Boole ainsi définies jouent un rôle fondamental en
électronique et en informatique, car le mode de fonctionnement dans ces calculs
est binaire, comme dans les circuits électriques, où le courant en un endroit
passe (0) ou non (1). Si on monte en série deux éléments X et Y, le résultat
sera XY ; si on les monte en parallèle, le résultat sera X + Y. . . Ces
analogies entre le calcul booléen et les circuits électroniques (et la Logique)
expliquent l'importance de la théorie de Boole pour l'informatique.
A titre anecdotique, les opérateurs "et",
"ou", "ne. . pas", en programmation ou dans les moteurs de
recherche sont appelés opérateurs booléens.
Issu d'une illustre famille, Louis de Broglie se destine
d'abord aux disciplines littéraires. A 18 ans, il obtient une licence
d'histoire. Puis il passe une année en droit et prépare un diplôme
sur la politique française au début du XVIIIe siècle. Mais à 20 ans,
il commence à s'intéresser aux sciences et il sera licencié ès sciences en deux
ans. Pendant la Première Guerre mondiale, Louis de Broglie est affecté au poste
radiotélégraphique de la tour Eiffel et peut se consacrer à ses recherches sur
les ondes radioélectriques. Au sortir de la guerre, il rejoint son frère
Maurice et l'aide dans ses travaux sur les rayons X. Ayant acquis de nombreuses
connaissances pratiques, il se lance alors dans la théorisation.
En 1911, lors du premier congrès Solvay de Bruxelles, les
physiciens admettent qu'ils se trouvent dans une impasse. En 1865, la théorie
de Maxwell fait de la lumière une onde nécessairement continue. Or, l'effet
photoélectrique découvert par Hertz en 1887 met en œuvre des échanges d'énergie
discontinus et donc remet en cause le caractère continu de la lumière. En 1905,
Einstein introduit la théorie corpusculaire et avance que la lumière peut être
à la fois continue et discontinue. En revanche, il ne s'explique pas dans
quelles circonstances elle devient l'un ou l'autre. De Broglie entame donc ses
recherches en partant du principe que les théories ondulatoire et corpusculaire
ne sont pas incompatibles. Dès 1922 paraissent ses premières communications sur
la mécanique ondulatoire qui seront améliorées deux ans plus tard avec sa thèse
de doctorat Recherches sur la théorie des quanta. Il suppose qu'à
chaque particule est associée une onde dont la longueur dépend de la masse et
de la vitesse de cette particule. Cette longueur d'onde permet alors de prévoir
le mouvement de la particule. Et par voie de conséquence, un flux de particules
peut être diffracté comme un faisceau de lumière. Cette théorie révolutionnaire
suscite à la fois l'intérêt et l'incrédulité. Mais lorsque les travaux de
physiciens américains et britanniques confirment sa découverte trois ans plus
tard, il obtient le prix Nobel en 1929. En 1933, il devient membre de
l'Académie des Sciences et est élu à l'Académie française en 1944.
La théorie de Louis de Broglie a
sorti les sciences physiques d'un dilemme qui les faisait stagner. Elle a aussi
contribué à l'élaboration de nouvelles technologies comme l'optique
électronique mais a avant tout a amorcé un nouveau courant de pensée
scientifique.
Georg Cantor est célèbre avant tout pour sa construction
des Nombres Réels, pour sa Théorie des ensembles, et sa Théorie
des infinis. La théorie des ensembles occupe une place remarquable
au sein des mathématiques, puisqu'elle en constitue le langage et la fondation.
On ne peut pas faire des mathématiques sans parler d'ensemble, d'éléments,
d'appplications et de bijections. Et la théorie des ensembles intervient encore
dans l'enseignement secondaire, même si cela est de façon beaucoup moins
systématique que dans les programmes d'il y a trente ans. "La théorie
des ensembles, ce paradis dont nul ne doit pouvoir nous chasser",
disait David Hilbert.
Avant
le milieu du XIXème siècle, les mathématiciens ne se souciaient guère de savoir
exactement de quoi ils parlaient, ni d'avoir défini leurs termes premiers, si
paradoxal que cela puisse paraître, car un exposé comme celui d'Euclide repose
au contraire sur de tels soucis. Les mathématiciens, à cet époque, avaient déjà
élevé vers le ciel un édifice prodigieux, mais ne s'étaient guère soucié de ses
fondations. L'intuition, géométrique ou infinitésimale, l'évidence, semblaient
donner des certitudes suffisantes. Au début du XIXème siècle, apparaissent
cependant, chez Cauchy, chez Bernhard Bolzano (Prague,1781-1848), des tentatives
de définition de la continuité, de la limite, de la convergence... toutes ces
notions premières de l'Analyse. Vers 1870 sont publiées les premières
définitions de ce qu'est un Nombre Réel (un nombre associé
à un point sur une droite), chez divers mathématiciens : Dedekind, Weierstrass,
Méray, et donc Cantor lui-même. Ces définitions, équivalentes entre elles, sont
parfaitement rigoureuses.
Mais
il fallait que les mathématiciens descendent encore plus bas dans les
fondations, et répondent à la question : Que sont nos objets mathématiques ?
C'est l'objet de la Théorie des Ensembles, fondée simultanément par
Cantor et Richard Dedekind (Brunswick, 1831-1916). Dedekind y est amené par des
problèmes algébriques, Cantor par des questions d'Analyse. Dedekind définit
donc les éléments, qui peuvent former des ensembles, s'ils
"sont considérés comme rassemblés sous un même point de vue". Il
définit l'ensemble réunion de deux ensembles, leur intersection...La
théorie des ensembles va se trouver confrontée à quelques difficultés. Par
exemple, soit E l'ensemble des ensembles qui ne s'appartiennent pas. E
s'appartient-il ? (Si non, alors oui ; si oui, alors non).
La
théorie des ensembles s'élargit, et débouche sur la Théorie des Infinis,
à l'occasion d'une magnifique correspondance entre Cantor et Dedekind. Ils se
posent le problème de savoir s'il y a autant d'éléments (au sens de l'existence
d'une bijection du premier ensemble dans le second), dans N que dans NxN,
dans N que dans Q, dans N que dans R (*), dans R
que dans RxR etc...Ils arrivent à des conclusions qui les
étonnent beaucoup, car nul avant eux n'avait sérieusement réfléchi aux
sous-ensembles de la droite réelle. (La réponse à ces questions d'existence est
affirmative dans tous les cas, sauf dans le cas (*).) Cantor élargit cette
problématique en une Théorie des Infinis. Il définit entre autres les Cardinaux
Infinis, deux ensembles pouvant être mis en bijection l'un avec l'autre
correspondant à un même cardinal, par définition même de ce dernier
concept. Le résultat négatif précédent peut s'énoncer ainsi : N et R
n'ont pas le même cardinal.
Cantor
parvenait ainsi à donner une définition mathématique précise de l'Infini
Actuel, qui pourtant était rejeté avec énergie du champ de la raison depuis
Aristote. Esprit religieux, Cantor ne séparait pas ses recherches mathématiques
d'un certain mysticisme. D'une grande beauté, et d'une grande importance en
philosphie ou en épistémologie, la théorie des infinis est quelque peu
vertigineuse, et s'est peut-être révélée moins féconde, au sein des
mathématiques, qu'on aurait pu l'espérer. On trouvera une partie de la
splendide correspondance Cantor-Dedekind dans le livre Philosophe
mathématique, par Jean Cavaillès, chez Herman. On pourra aussi se reporter
au Chapitre VI, par Pierre Dugnac, de l'Abrégé d'Histoire des mathématiques,
par Jean Dieudonné, chez Herman.
L’œuvre
de Cantor est loin de se limiter à la Théorie des Ensembles ou à celle des
Infinis. il a fait également des découvertes sur les séries trigonométriques,
en Topologie Générale, dans la théorie de la mesure. On peut citer l'ensemble
triadique de Cantor, sorte de poussière de points (totalement discontinu,
sans points isolés, non dénombrable, de mesure nulle), que l'on pourrait
appeler, à la suite de Benoît Mandelbrot, un ensemble fractal.
Cantor
était allemand ; il a fait la majeure partie de sa carrière à l'université de
Halle. Fragile psychologiquement, Cantor était sujet à des épisodes de graves dépressions,
particulièrement vers la fin de sa vie.
Le
nom de Cardan est associé dans l'histoire des mathématiques à ceux de Niccolò
Tartaglia, Ludovico Ferrari, ses compatriotes et contemporains italiens,
auxquels le lièrent l'amitié, ou la rivalité et la colère, dans cette Italie du
XVIème siècle, pleine de drames, d'aventures, et de découvertes.
Le
problème qui les rassemble est la résolution générale des équations
polynomiales de degrés 3 et 4. Il faut leur adjoindre en ce domaine Scipione
del Ferro, 1465-1526, et Rafaele Bombelli, 1526-1573. Si la résolution de
celles de degré 2 était banale depuis les Babyloniens ou Euclide, sur des cas
particuliers, et avait été classifiée par Al Khwarizmi, les polynômes de degrés
supérieurs semblaient défier les mathématiciens. Pour le degré 3 la résolution
générale n'est évidemment possible que si on dispose des racines cubiques de
réels (dans le cas où le polynôme de degré 3 admet une unique racine réelle),
ou des racines cubiques des nombres complexes (cas de trois racines réelles).
Ce dernier cas ne pouvait que poser des difficultés aux mathématiciens du
XVIème siècle, et est justement à l'origine de l'invention des nombres
complexes.
Il semble
bien que ce soit Scipione del Ferro qui ait le premier résolu les équations du
type (en notations actuelles) ; x^3 + p x = q, et peut être même les équations
cubiques de tous les types (à l'époque, comme chez Al Khwarizmi, ces divers
types d'équations sont distingués, car les nombres par excellence sont les
nombres positifs, et les nombres négatifs paraissent encore étranges et d'un
maniement délicat). Tartaglia, quelques années plus tard, retrouve la méthode
de résolution dans le premier cas ; Cardan la lui soutire, jure de ne pas la
révéler, puis, apprenant que del Ferro l'avait déjà résolue, en prend prétexte
pour publier malgré tout, à la fureur de Tartaglia. Il surpasse d'ailleurs
Tartaglia dans son ouvrage (l'Ars Magna), car il traite les différents
cas d'équations de degré 3, et non pas un seul. Il y ajoute la méthode de
résolution générale de l'équation de degré 4, dont il crédite son élève
Ferrari.
C'est
dans l'Ars Magna qu'apparaissent pour la première fois les nombres
complexes, à propos d'une équation du troisième degré. Cardan manipule les
nombres 5 + (-15)
et 5 -
(-15),
et constate que leur produit et leur somme sont tous deux des nombres positifs
ordinaires : 40 et 10. Il qualifie lui-même ces considérations de
"subtiles et inutiles". Toujours dans le contexte des équations du
troisième degré, c'est Rafaele Bombelli qui systématisera l'emploi des nombres
complexes dans le cas où les trois racines sont réelles.
Si
Cardan était un mathématicien, il était aussi un célèbre médecin, et un joueur
enragé. C'était un homme au caractère difficile, qui vécut une vie mouvementée,
dont le fils fut condamné à mort et exécuté pour le meurtre de sa femme, et qui
fut lui-même emprisonné quelques mois pour hérésie.
Cardan
était un grand joueur. Il n'est donc pas surprenant que ce soit lui qui ait le
tout premier étudié mathématiquement le hasard, donnant ainsi le départ de la
théorie des Probabilités, dans son Livre sur le Jeu de Dés. Il
s'est intéressé aussi à la mécanique, et il inventa la pièce mécanique qui
porte son nom.
Cauchy
apparaît comme un des mathématiciens, qui, outre son travail de recherches et
de découvertes de nouveaux résultats, a commencé à mettre un peu d'ordre dans
les bases de l'Analyse. Cette branche des mathématiques, qui s'était développée
de façon foisonnante depuis le XVIIème siècle, reposait en effet, à l'époque de
Cauchy, sur des bases assez instables et obscures. Au fil de ses traités et de
ses manuels d'enseignement, il tente de définir les notions de limite, de
continuité, de convergences d'une suite ou d'une série. . . , et de démontrer
des résultats qui étaient admis jusque là comme des évidences, et dont la
preuve manquait. . . quand ils n'étaient pas faux. Son nom reste attaché à un
certain type de suites, les suites de Cauchy. Cauchy n'atteint pas la
précision et la rigueur parfaite, beaucoup de ses énoncés sont encore imprécis,
et l'on peut en trouver certains qui sont faux, mais il amorce l'effort vers
plus de rigueur, que poursuivront jusqu'à la perfection Riemann, Weierstrass,
Dedekind, Cantor et d'autres. Mais Cauchy fait progresser aussi remarquablement
les connaissances mathématiques de son époque, et son œuvre est d'un volume
impressionnant. Il domine son époque, aux côtés de Gauss. Il s'intéresse
particulièrement aux fonctions dérivables de C dans C, qui
généralisent les fonctions réelles de la variable réelle, mais également aux équations
différentielles, à l'intégration, aux équations et aux substitutions
(il apparaît ainsi comme un des précurseurs, avec Galois, de la Théorie des
Groupes). Il travaille aussi sur les déterminants ; il s'intéresse à
différents problèmes de Physique mathématique et d'astronomie. . . Cauchy était
fervent catholique, royaliste et légitimiste. Ses opinions politiques valurent
à sa carrière quelques succès, et beaucoup de difficultés. Il quitta la France
de 1830 à 1838, et fut quelque temps précepteur du duc de Bordeaux, petit-fils
du roi en exil Charles X.
Georges Cuvier naît à Montbéliard, ville alors rattachée
au duché de Wurtemberg mais de langue et de culture françaises. Il passe quatre
ans à l'université Caroline en Allemagne où il étudie les sciences
administratives, juridiques et économiques, mais aussi l'histoire naturelle et
l'anatomie comparée. Au sortir de l'université, en 1788, Cuvier est engagé
comme précepteur du fils du comte d'Héricy, en Normandie. Le hasard le met sur
la route de l'abbé A.H. Tessier (1741 - 1837), médecin chef de l'hôpital militaire
de Fécamp et naturaliste renommé. Ce dernier, impressionné par les facultés du
jeune Cuvier, l'introduit auprès d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire au Muséum
d'Histoire Naturelle à Paris. En 1795, Cuvier est nommé enseignant assistant
d'anatomie comparée au Muséum. C'est le début d'une fulgurante ascension qui
fera de lui le scientifique le plus titré et honoré de son temps.
Professeur au Collège de France, il succède à Daubenton à
la chaire d'Histoire naturelle en 1799. Il devient professeur titulaire au
Jardin des Plantes en 1802 et sera promu directeur du Muséum en 1808. Cuvier
est très vite reconnu par ses contemporains scientifiques : membre de
l'Académie des sciences, de l'Académie Française et de beaucoup d'autres à
travers le monde, il s'impose bientôt comme spécialiste de l'anatomie comparée
et fondateur de la paléontologie. Il pose les bases des classifications
actuelles dans les grands groupes animaux dans son livre le Règne animal
distribué selon son organisation (1817) et énonce le principe de
corrélation des parties selon lequel chaque organe est lié dans son
fonctionnement à tous les autres (un mammifère à cornes possède toujours des
sabots et des molaires usées, mange de l'herbe et rumine). Il reste néanmoins
entêté sur la théorie du fixisme, allant même jusqu'à s'opposer violemment à
son ami Geoffroy Saint-Hilaire, plus nuancé, ainsi qu'à Lamarck, tenant de la
théorie transformiste.
Parallèlement à ses travaux scientifiques, Cuvier
poursuit une carrière politique non moins brillante. Il est d'abord nommé
commissaire à l'inspection générale de l'Instruction Publique et fonde les
lycées de Marseille et Bordeaux. Puis il occupe le poste de conseiller d'Etat
au sein du Comité Intérieur (section du Conseil d'Etat), pour en devenir le
président à vie en 1819. En 1831, il est élu président du Conseil d'Etat
lui-même et déclaré pair de France. L'année suivante voit ses ambitions
politiques comblées à travers la charge de Ministre de l'Intérieur qui lui est
confiée. Mais Cuvier s'éteindra quelques semaines plus tard, à l'âge de
soixante-trois ans.
Fils d'un maçon, Johann Christian Doppler montre très tôt
des facilités pour les mathématiques. A l'âge de dix-huit ans, il est accepté à
l'Institut polytechnique de Vienne. Puis, après trois années d'études,
il rentre à Salzbourg et poursuit seul ses études de physique et de
mathématiques. De retour à Vienne en 1829, Doppler occupe le poste d'assistant
en mathématiques et rédige ses premiers textes en mathématiques et en électricité.
Mais désespérant d'obtenir sa titularisation, il décide en 1835 d'émigrer aux
Etats-Unis. C'est au moment de quitter le vieux continent que le lycée de
Prague lui propose d'enseigner les mathématiques. Renonçant à son voyage,
Doppler professe successivement les mathématiques à l'Ecole technique de Prague
en 1841 et la physique et la mécanique à l'Académie des Mines de Chemnitz en
1847. L'année suivante, il échange ce titre pour celui de professeur de
géométrie pratique à l'Institut polytechnique de Vienne et devient le directeur
du nouvel Institut de physique en 1850. Il mourra trois ans plus tard d'une
maladie du foie.
Doppler est resté célèbre dans l'histoire de la physique
pour avoir décrit l'effet qui porte son nom. Le physicien autrichien remarque
que lorsqu'une source sonore se déplace vers un observateur, la fréquence de
l'onde augmente. Le son monte alors dans les aigus. De même une source qui
s'éloigne produit un son plus grave. En 1842, Doppler décrit mathématiquement
ce phénomène. C'est " l'effet Doppler ".
La première expérience sur cet
effet est réalisée en 1845, aux Pays-Bas. Une locomotive est lancée sur des
rails avec à son bord des trompettistes. Sur le bord de la voie se trouvent
d'autres musiciens capables de reconnaître les variations de tonalité du son.
On découvre alors que les équations de Doppler sont vérifiées. Doppler suggère
également que sa découverte peut être appliquée à toutes les autres ondes et
notamment la lumière. Il croit que toutes les étoiles émettent une lumière
blanche et que les différences de couleur observées depuis la Terre sont
uniquement dues à leur déplacement. Cette idée n'est pas réellement vraie car
les étoiles ont bien une couleur qui leur est propre mais Doppler a raison
quant à leur déplacement. Dès 1848, l'astronome Armand Fizeau, à l'instar de
Doppler, assure que les déviations du spectre lumineux d'une étoile peuvent
permettre d'analyser son mouvement. La première confirmation expérimentale de
cette théorie ne se fera que vingt ans plus tard, après la mort de son
fondateur. En 1868, William Huggins, en observant un décalage du spectre de
Sirius vers le rouge, annonce que l'étoile s'éloigne du système solaire. Les
travaux sur l'effet Doppler se succéderont alors et il deviendra un des
principes fondamentaux de la cosmologie.
Albert Einstein naquit le 14 mars 1879 à Ulm, moyenne
cité du Wurtemberg en Germanie. Son père, Hermann Einstein, avait une petite usine
électrochimique et était de nature très optimiste. Par contre, sa mère, Pauline
Koch, était d'une nature plus sérieuse et artistique, avec une note délicate
d'humour. Elle aimait jouer du piano, surtout les sonates pour piano de
Beethoven. C’est ce goût pour la musique classique qu'Albert hérita le plus de
sa mère. Cet art musical le passionna toute sa vie. L'oncle qui vivait avec la
famille témoignait pour les aspects les plus raffinés de la vie intellectuelle,
un plus grand intérêt que le père d'Einstein. C'était un ingénieur d'expérience
et c'est de lui qu'Albert reçut l'impulsion première en mathématiques.
"C'est une science amusante, disait-il au jeune garçon; quand l'animal que
nous sommes en train de poursuivre ne peut pas être attrapé, nous l'appelons
"x" momentanément et nous continuons la chasse jusqu'à ce qu'il soit
dans le sac."
Albert venait d'avoir 5 ans lorsqu'un jour son père lui
montra une boussole de poche. La mystérieuse propriété de l'aiguille aimantée, toujours
pointée dans la même direction, quelle que fût l'orientation de son cadre, fit
une très forte impression sur l'enfant. Bien que rien de visible ne fît mouvoir
l'aiguille, il conclut que quelque chose qui attire et tourne les corps dans
une direction particulière doit exister dans l'espace considéré comme vide. Ce
fut l'une des impressions qui plus tard conduisirent Einstein à réfléchir aux
mystérieuses propriétés de l'espace vide.
A 6 ans, les parents d'Einstein l'obligea à suivre des
cours de violon. Au début, cela n'intéressait plus ou moins le jeune Einstein,
jusqu'au jour où il découvrit les sonates de Mozart d'où il comprit que sa
technique n'était pas à la hauteur de ces compositions qui nécessitent une main
légère et beaucoup d'expression. C'est à ce moment que le jeune Einstein se mit
à aimer le violon.
Cette même année, Einstein entra à l'école primaire de sa
paroisse. Tout au long de ces études, Einstein surpassait de haut ses
compagnons de classe en mathématiques, mais il n'en était nullement ainsi pour
les langues classiques. Il souffrait d'avoir à s'appliquer à des matières qui
ne l'intéressaient pas et qu'il supposait n'avoir à apprendre qu'à cause des
examens.
Jusqu'à l'âge de 9 ans, Einstein manquait encore de
facilité d'élocution. À sa naissance, il mit même très longtemps à apprendre à
parler. Sa mère disait même: "Il sera peut-être un grand professeur un
jour." (si elle avait su...)
A 10 ans, Einstein quitta l'école primaire pour entrer au
Luitpold gymnasium, à Munich. Les gymnases, à la fin des années 1800, en
Allemagne, était très militariste. Un jour, Einstein y fit même la réflexion:
"Les professeurs m'ont fait à l'école primaire l'effet de serpents, et au
gymnase de lieutenants."
Après ses études au gymnase, il quitta l'Allemagne pour
aller passer son examen d'entrée à l'Ecole Polytechnique Fédérale Suisse
et ce qu'il craignait le plus depuis son départ de Munich arriva: il échoua son
examen d'entrée car n'oublions pas qu'Albert était surdoué en mathématiques
mais (disons le) complètement nul dans les langues modernes et les sciences
naturelles (zoologie et botanique). Toutefois, le directeur du Polytechnicum
avait été frappé des connaissances mathématiques d'Einstein, et l'engagea à
obtenir le diplôme requis dans une école Suisse: l'école cantonale de la petite
ville d'Aarau.
Après ses études, Einstein se chercha un emploi dans son
domaine mais en vain, il dut se contenter d'un emploi comme agent de brevet
dans un bureau (l'ouvrage était aussi rare qu'aujourd'hui). Sa tâche était de
faire un premier examen des inventions apportées.
Peu après son arrivée à Berne, Einstein épousa Mileva
Maritch, sa compagne d'études au Polytechnium. Elle était un peu plus âgée que
lui. Malgré son origine grecque orthodoxe, c'était une libre-penseuse aux idées
avancées, comme la plupart des étudiants serbes. Albert et Mileva ont eu 2 fils
dont le plus âgé s'appelait comme son père, Albert.
En 1905, lorsqu' Einstein fut âgé de 26 ans, il publia le
résultat de ses recherches. Ces résultats firent un tel émoi que pour les
physiciens des universités suisses, ils parurent incompatibles avec la tâche
assignée à un obscur fonctionnaire de l'office des brevets. Et on emmena
Einstein à enseigner à l'université de Zurich en 1909 comme professeur " extraordinaire
".
A 31 ans, en 1910, la chaire de physique théorique à
l'université allemande de Prague devint vacante. Il y avait deux candidats à ce
poste, il y avait Gustave Jaumann, physicien qui essaya de fonder une théorie
de la matière à distribution continue. L'autre fut, bien entendu, Albert
Einstein. Le poste fut accordé à Jaumann pour une raison politique, même si
Albert était le premier choix. La réponse de Jaumann fut: "Si Einstein a
été proposé le premier à votre choix, parce qu'on croit qu'il a une oeuvre plus
importante à son crédit, je n'ai alors rien à faire avec une université qui
court après la modernité et n'apprécie pas le mérite vrai."
Après la première guerre mondiale, Einstein fut à la tête
d'une organisation américaine contre la possibilité d'une arme chimique (
explosions de molécules d'uranium) qui pourrait être très dévastatrice. Ce qui
lui donna un prix nobel.
Un peu plus tard, en 1933, Einstein se rendit au
État-Unis pour être le directeur d'une institut de science avancée à Princeton,
au New-Jersey. C'est dans cette même ville qu'il mourut un 18 avril 1955 à
l'age de 76 ans.
Toute sa vie, Einstein est resté une espèce de grand
solitaire. Il a cherché l'harmonie de l'univers dans la musique aussi bien que
dans la physique mathématique et ces deux domaines l'ont retenu tout au long de
son existence.
Le
nom d'Euclide désigne finalement plus un livre, Les Éléments, et
un style de connaissance, l'exposé axiomatique et déductif, qu'un homme. Il est
presque certain qu'Euclide vécut à Alexandrie, en Égypte, sous le règne du roi
Ptolémée Ier, avant et après 300 avant Jésus-Christ. Il travailla
sans doute au Musée, centre intellectuel de cette ville. Il est plus
vieux qu'Archimède et Eratotosthène, de quelques dizaines d'années. Mais on ne
connaît presque rien de l'homme, si ce n'est quelques anecdotes peut-être
significatives, mais sujettes à caution. On raconte qu'à un de ses élèves
débutants, qui lui demandait ce qu'il allait gagner à apprendre cette matière
ardue, il fit donner par un de ses esclaves un pièce de monnaie, puisque, dit
le maître, ce personnage voulait tirer profit de qu'il apprenait...
Certains
historiens doutent même de ce qu'un homme appelé Euclide ait existé, et voient
dans ce nom une sorte de nom d'auteur collectif, derrière lequel se seraient
cachés plusieurs mathématiciens.
Les Éléments constituent
une encyclopédie du savoir mathématique de la civilisation grecque du temps. Mais
plus que son contenu, c'est l'organisation de l'ouvrage qui est remarquable. En
effet, cette œuvre entreprend de déduire l'ensemble des résultats
mathématiques à partir d'un petit nombre d'entre eux, explicitement admis. Tous
les autres résultats n'apparaissent alors que comme des conséquences des
résultats premiers, à l'issue de raisonnements qui se veulent absolument précis
et rigoureux. La certitude des théorèmes semble découler alors implacablement
de celle des énoncés premiers, et cela sans recours à l'intuition ou à
l'évidence sensible, mais par le seul moyen de la démonstration mathématique.
Ce
type de présentation, euclidien, est devenu le modèle même de l'exposé
mathématique, et à plus de deux millénaires de distance, le groupe Bourbaki de
mathématiciens français s'est réclamé d'Euclide pour composer au XXème
siècle de nouveaux Éléments de mathématiques, sous une forme elle aussi
encyclopédique et parfaitement déductive (combien plus vaste et plus ardue,
évidemment). Il est clair que les démonstrations d'Euclide ne pouvaient
atteindre à la rigueur parfaite, et qu'elles contiennent de nombreuses
approximations qui les invalident. Mais, tel qu'il est, l'œuvre et surtout sa
conception restent impressionnantes.
Comme
le veut sa structure, les éléments commencent, dans le Livre I, par des Définitions,
des Demandes ou Postulats, des Notions communes. La fin du Livre
I, et les Livres II, III, IV, traitent de géométrie plane. Le Livre V instaure
une rupture, et traite des Proportions; cette théorie des proportions
est attribuée à Eudoxe. Au XXème siècle, nous y voyons une théorie de
l'ensemble R. Le Livre VI est une application de la théorie des
proportions à la géométrie (on y trouve par exemple le théorème de Thalès).
Le
Livre VII traite d'arithmétique, de ppcm, de pgdc, de nombres premiers. . . On
y trouve décrit l'algorithme d'Euclide. Le Livre VIII traite des nombres
en suites géométriques, sous l'angle de la divisibilité, et des rapports
entiers ou rationnels. Le Livre IX concerne également l'arithmétique. Le Livre
X étudie ce que nous appellerions, en notre langage, la rationnalité
d'expressions où figurent des racines carrées. C'est un des plus difficiles des
Éléments. Les Livres XI, XII, et XIII traitent de géométrie dans l'espace, le
Livre XIII étudiant plus précisément les polyèdres réguliers.
Outre
les Éléments, quelques autres ouvrages d'Euclide nous sont parvenus, . .
. avec d'autres, dont il n'est pas l'auteur, mais qui lui étaient
traditionnellement attribués.
Rétrospectivement,
le travail d'Euler, en tant que grand mathématicien du XVIIIème siècle, nous
paraît certes glorieux, mais facile. Il s'agissait de se servir des outils
merveilleux qu'avaient forgés ses prédécesseurs, l'Analyse infinitésimale de
Newton et Leibniz, les Nombres imaginaires de Cardan et Bombelli, l'Arithmétique
de Fermat, et muni de tel moyen, d'explorer plus largement les domaines
correspondants, d'établir entre eux des liaisons. . . D'un point de vue
rétrospectif, les découvertes semblent aussi sensationnelles qu'inévitables.
Mais ce travail qui peut paraître "tout tracé", Euler l'accomplit de
façon puissante, dans toutes les directions, avec une capacité mathématique et
une capacité de travail étonnantes. Il a sûrement été l'un des mathématiciens
les plus productifs de l'histoire, malgré la perte d'un œil en 1740, la perte
totale de la vue en 1771 . . . et ses treize enfants.
Dans
le seul domaine de l'Analyse, faire la liste de tous les résultats
obtenus par Euler nous prendrait trop de place ! Nous lui devons un très grand
nombre de nos notations, parmi lesquelles f(x) pour une fonction,
e , i , .
Parmi ses formules les plus simples et peut-être les plus belle, citons e^i
+ 1 = 0 et e^ix = cos x + i sin x ; parmi ses inventions
en Analyse, citons la fonction GAMMA, ou intégrale eulérienne, qui généralise
la factorielle pour des valeurs non entières, la constante d'Euler gamma,
limite de la suite 1/1 + 1/2 + 1/3 + . . . + 1/n - ln ( n), la
fonction dzéta, si importante en théorie des nombres. . . mais il s'intéresse
aussi à un très grand nombre d'équations différentielles, et met au
point leur résolution dans le cas linéaire. Il fonde également le calcul des
variations. . .
Il
fait faire également à la Théorie des Nombres d'énormes progrès. Il
démontre la grande conjecture de Fermat pour un exposant égal à 3, introduit sa
fonction multiplicative phi (nombre de diviseurs), traite différentes autres
conjectures avancées par Fermat, introduit comme nous l'avons signalé la fonction
dzéta, démontre la formule fondamentale : dzéta (s) = Produit des 1/ (1-p^s),
étendu à tous les nombres p premiers, et écrit même l'équivalence, en plus
l'infini, entre ln (ln (x)) et la somme des inverses des nombres premiers
inférieurs à x (au sens où le quotient de ces deux expressions tend vers 1). .
. Il s'intéresse aussi à la géométrie, particulièrement la géométrie
analytique, la géométrie différentielle, la topologie, dont il fut le
fondateur.
Euler
mena une œuvre de premier plan en Mécanique, mais il s'intéressa aussi
dans divers écrits à l'astronomie, à l'hydrodynamique, à l'artillerie. . . et à
la musique.
Euler
était Suisse, né à Bâle. Il fut l'élève de Jean Bernoulli, Balois lui aussi,
frère de Jacques et comme lui disciple de Leibniz. Il part en Russie en 1727,
mais passe les années 1744-1766 à Berlin, près de Frédéric II de Prusse (et de
Voltaire), avant de revenir en 1766 à Saint-Pétersbourg, auprès de Catherine II
de Russie. Il y meurt 7 ans plus tard, après une journée de travail ordinaire,
c'est-à-dire intense.
Grand
mathématicien, Pierre de Fermat n'a pas pratiqué cette science en
professionnel. Né à Beaumont-de-Lomagne, il suit des études de droit, fréquente
les milieux scientifiques de notre ville de Bordeaux, puis exerce des fonctions
de magistrat, conseiller au parlement de Toulouse. Il publie très peu, mais
entretient une correspondance importante avec divers mathématiciens.
A
l'époque de Fermat, les grandes idées sont encore en gestation, les
mathématiciens cherchent les voies nouvelles à partir du travail des anciens
Grecs, Archimède, Diophante, Euclide. C'est encore, en mathématiques, l'ge de
la Renaissance, avant que la découverte du calcul infinitésimal par Newton et
Leibniz n'ouvre vraiment l'ge classique. Cependant, en Analyse, en Arithmétique,
dans le domaine des Probabilités, Fermat commence à défricher les
chemins qui plus tard mèneront aux nouveaux territoires.
En Analyse,
Fermat introduit la notion de représentation graphique d'une fonction, dans son
ouvrage Isagoge ad locus planus et solidus, de façon plus nette sans
doute que Descartes, dont le but est plutôt de résoudre les problèmes de
géométrie par l'algèbre ; Fermat au contraire part de l'expression algébrique
de la fonction pour tracer sa courbe représentative. Fermat anticipe par
ailleurs sur le nombre dérivé quand il doit résoudre un problème de
maximalisation ou de minimalisation ; sa méthode d'adégalisation consiste,
pour trouver le nombre en lequel f atteindra un maximum, à considérer
l'équation f(a + e) = f(a), à ôter f(a) au deux membres, à simplifier par e
l'équation obtenue (cela est possible si f est un polynôme ou une fonction
rationnelle) puis à poser e = 0 dans l'équation simplifiée. On obtient alors une
équation en a, dont les solutions fournissent les nombres où les extremums sont
atteints. On est à la fois bien près du nombre dérivé, et bien loin, dans la
conceptualisation. Comme les mathématiciens ses contemporains, Fermat traite de
nombreux problèmes de quadratures (nous dirions : d'intégration) et de
tangentes.
C'est
sans doute en Arithmétique que Fermat montre le plus de capacités, et
fit l'œuvre la plus novatrice. Cependant, dans un contexte de compétition entre
mathématiciens, il laissait des énoncés, mais, le plus souvent, ne rendait pas
publiques les démonstrations (quand il en avait). Ses recherches étaient
dispersées dans ses différentes lettres, ou dans les marges de l'Arithmétique
de Diophante, et ne furent publiées qu'après sa mort. Mais même sans
démonstration, ses énoncés étaient intéressants, encore qu'il fût un peu
injuste qu'ils portassent son nom. Euler, qui se passionnait lui aussi pour
l'arithmétique, se fit une spécialité de démontrer (entre autres) les énoncés
de Fermat. On peut citer parmi les théorèmes énoncés par le premier, démontrés
par le second : le petit théorème de Fermat : Tout nombre premier p
divise a^p - a pour tout entier a non divisible par p, le fait que tout nombre
premier de la forme 4n + 1 est somme de deux carrés, le fait que l'équation
de Fermat x^2-A. y^2 = 1 possède des couples (x,y) solutions pour tout
entier A. . . On sait que Pierre de Fermat écrivit, sans doute vers 1630, dans
la marge de l'Arithmétique de Diophante que l'équation x^n + y^n = z^n n'avait
pas de quadruplé d'entiers solution vérifiant x,y,z>0, et n>2, (ceci dans
son propre langage, bien sûr), et qu'il en avait découvert une preuve vraiment
remarquable, mais que la marge était trop petite pour la contenir. Fermat meurt
en 1665 et c'est son fils Samuel qui publie ses papiers, y compris cette
fameuse note marginale dont l'énoncé est appelé Grand Théorème de Fermat,
et qui va constituer un véritable casse-tête pour les plus grands
mathématiciens, jusqu'à sa démonstration, par Andrew Wiles, en 1994.
Enfin,
Pierre de Fermat fonde avec Blaise Pascal la Théorie des Probabilités,
au cours d'un échange de correspondance entre les deux hommes (Jérôme Cardan
fut leur précurseur dans ce domaine).
Leonardo Fibonacci naît vers 1170 à Pise (Italie), alors
ville commerçante d’une grande puissance maritime. Mais c’est en Algérie, au
comptoir de Bougie où il suit son père marchand, qu’il a l’occasion de se
confronter aux travaux de mathématiciens arabes comme Al Khwarizmi.
A travers ses voyages ultérieurs autour de la Méditerranée, celui qu’on appelle
aussi Léonard de Pise prend connaissance du système de numération indienne et
des différents systèmes de calcul pratiqués en Orient. De retour dans sa ville
natale, il se lance dans la rédaction d’un ouvrage qui contribuera de manière
importante aux progrès des mathématiques, en particulier de l’algèbre. Liber
abbaci, premier traité en latin sur le sujet, sort ainsi en 1202. Dans ce
livre, Fibonacci se prononce pour l’usage des nombres indo-arabes (y compris le
zéro) et expose les résultats des Arabes en arithmétique et algèbre. En 1220,
place à la géométrie ; il publie Practica geometriae, regroupant
l’ensemble du savoir de l’époque en géométrie et trigonométrie (Euclide, Héron,
etc.). Mais loin de se "contenter" de diffuser les travaux des
anciens, Fibonacci poursuit ses propres travaux. Son nom reste ainsi lié à une
suite récurrente qui porte son nom et dont chaque terme est égal à la
somme des deux termes qui le précèdent (ex : 0, 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21,
…). Dans Liber quadratorum (1225), le mathématicien présente sa résolution de
divers problèmes et équations. Après Léonard de Pise, l’étude des mathématiques
connaît une période de stagnation qui ne s’achèvera qu’au XVe.
Orphelin à l'âge de huit ans, Jean Baptiste Fourier est
placé à l'Ecole militaire d'Auxerre où il découvre les mathématiques. La
révolution française éclate alors qu'il étudie à l'école bénédictine de St
Benoit sur Loire et il doit rentrer à Auxerre. Arrêté en 1794, il n'est relâché
que quelques mois plus tard, après l'exécution de Robespierre. Installé à
Paris, il est nommé professeur de mathématiques à l'Ecole normale puis
devient assistant à l'Ecole polytechnique, sous l'égide de Joseph
Lagrange et de Gaspard Monge. En 1798, il est choisi pour accompagner Napoléon
dans la campagne d'Egypte et y exerce ses talents de diplomate. De retour en
France en 1801, il devient préfet de Grenoble. Pendant quatorze ans, Fourier
concilie ses obligations administratives et ses recherches personnelles. En
1815, alors que Napoléon marche sur Grenoble, Fourier fait publier une
proclamation pour faire respecter le gouvernement du roi et sort de la ville.
Mais devant l'affection du peuple pour le mathématicien, Napoléon lui offre le
poste de préfet du Rhônes. Ne pouvant conserver cette charge, Fourier se fera
révoquer quelques jours plus tard. En 1817, il est élu à l'Académie des
sciences et en devient bientôt le secrétaire perpétuel, conjointement avec
Cuvier. Dix ans plus tard, il est élu membre de l'Académie française et succède
à Laplace dans la présidence du conseil de perfectionnement de l'Ecole polytechnique.
Il meurt en 1830 des suites d'une maladie contractée en Egypte.
Les principaux travaux de Fourier se rapportent à la
théorie de la chaleur. Pour décrire les phénomènes liés à la conduction de la
chaleur, il a le génie d'utiliser les équations différentielles. Il développe
ainsi ce qu'on appelle aujourd'hui le théorème de Fourier. Il démontre alors
que l'équation régissant la diffusion de la chaleur peut s'écrire comme la
somme de plusieurs équations trigonométriques. Les séries de Fourier peuvent
alors être utilisées pour décrire des fonctions périodiques complexes et sont
appliquées à de nombreuse branches de la physique mathématique. En inventant de
nouveaux outils mathématiques afin d'étudier des phénomènes physiques, Fourier
apparaît aujourd'hui comme le père de l'analyse des harmoniques.
Gauss,
comme Cauchy, se trouve à la charnière entre l'époque classique des
mathématiques, inaugurée par Newton et Leibniz, dominée par Euler, et ce que
l'on pourrait appeler l'époque moderne, qui commence avec, par exemple,
Cantor. A la fois, il obtient des résultats remarquables à l'intérieur de
théories déjà anciennes, mais aussi il découvre de nouveaux objets,
nouvelles méthodes, comme a dit Jean Dieudonné (Pour l'honneur de
l'esprit humain, Hachette, Chapitre V). Gauss a laissé des découvertes dans
un nombre impressionnant de domaines des mathématiques. Enfant prodige,
calculateur fantastique, esprit extrêmement créatif et profond, son génie était
reconnu de son vivant, et il avait gagné le surnom mérité de Prince des
mathématiciens.
A
l'âge de dix-neuf ans, il démontre ce résultat nouveau et remarquable que le
polygone régulier à 17 côtés est constructible à la règle et au compas. (Ce
théorème est lié à la résolution dans C de l'équation z^17-1 = 0, et
relève de l'algèbre et de la théorie des nombres.) Bien plus jeune, à l'école
primaire, il avait étonné son maître en calculant en un temps record la somme
des 100 premiers entiers, que le maître avait donné à faire à ses élèves pour
avoir la paix. (La méthode qu'il avait utilisée est classique, mais est fort
astucieuse de la part d'un enfant de moins de dix ans).
Dans
le domaine de la l'Arithmétique (ou Théorie des Nombres), il
publie en 1801 ses Disquisitiones Arithmeticae. Il définit les
congruences modulo n (deux nombres sont congruents modulo n si n divise leur
différence). Il s'intéresse particulièrement au problèmes des résidus
quadratiques : Quels sont les entiers qui, modulo n, sont congrus à un carré ?
Il fait aussi faire de gros progrès à l'étude des formes quadratiques binaires,
c'est-à-dire à la recherche des entiers annulant l'expression ax²+bxy+cy²-k. A
propos de ses recherches en arithmétique, Gauss est amené à se placer dans C,
et à considérer les complexes de la forme a+ib, a et b étant réels, appelés
désormais entiers de Gauss. (Voir par exemple Chapitre V, par W. et F. Ellison,
de l' Abrégé d'Histoire des mathématiques, par Jean Dieudonné,
chez Herman).
Dans
le domaine de l'Analyse, Gauss s'intéresse comme d'ailleurs Cauchy, aux
fonctions de C dans lui même. Il démontre par exemple que tout polynôme
admet au moins une solutions dans C (Théorème fondamental de l'algèbre).
Il retrouve beaucoup des résultats de Cauchy en ce domaine, mais ne les publie
pas, pas plus qu'un grand nombre des théorèmes originaux qu'il découvre. Il est
un ardent propagandiste de la vision géométrique des nombres complexes, telle
qu'elle est présentée de nos jours aux élèves de Terminales.
Son
oeuvre est importante également en Géométrie Différentielle. Il définit
par exemple la courbure de Gauss en un point d'une surface, et étudie
les géodésiques de ces surfaces. (Voir par exemple Chapitre IX, par
Paulette Libermann Ellison, de l'ouvrage cité plus haut de Jean
Dieudonné).
Gauss
s'est intéressé également à l'atronomie, à la géodésie, au magnétisme, toutes
sciences qu'il a fait progresser...Il a inventé la Méthode des moindres
carrés. On lui doit aussi la fameuse loi de Laplace-Gauss pour une variable
aléatoire, loi de densité f(x)=, qui fait partie du prochain programme de
Terminale S.
Les
parents de Gauss étaient de simples ouvriers. Devenu célèbre, il continue de
mener une vie fort discrète. Vers la fin de sa vie, il forme divers étudiants, dont
Eisenstein, Riemann, Dedekind...
Au
cours de son enfance dans une famille bourgeoise de Paris, Sophie Germain se
prend de passion pour les mathématiques. Étant une femme, elle ne peut
cependant pas assister au cours des grands professeurs du temps, mais elle se
procure leurs leçons sous forme écrite. Pour correspondre avec les grands
mathématiciens du temps, Lagrange, puis Gauss, elle utilise, au début du moins
de ces correspondances, un pseudonyme masculin, Monsieur Le Blanc, tant il
paraissait incongru, voire scandaleux, aux préjugés de l'époque, qu'une femme
veuille étudier les mathématiques!
Lors
de l'intrusion des troupes françaises dans la ville de Gauss, Brunswick, par
les troupes françaises, Sophie Germain demande à un général français, ami de sa
famille, de la prendre sous sa protection. C'est à cette occasion que Gauss
apprend son identité et son sexe, ce qui ne fait qu'augmenter l'estime qu'il
avait pour son correspondant . . . qui s'est révélé être une correspondante.
Sophie
Germain s'est intéressée surtout à la Théorie des Nombres (qui concerne en
particulier les propriétés des nombres entiers ou arithmétique, ainsi que les
propriétés des nombres premiers). Elle a démontré des résultats partiels
importants sur le "Grand Théorème de Fermat", dont la démonstration
complète n'a été achevée (par Andrew Wiles) qu'en 1994.
A
partir de 1808, elle s'intéresse aux figures remarquables que dessinent des
particules déposées sur la surface d'un tambour vibrant, qu'avaient mises en
évidence le physicien allemand Chladni. L'Académie des Sciences avait ouvert un
concours sur ce thème, dont le but était de découvrir les lois mathématiques
permettant d'expliquer ces formes géométriques étranges. Après quelques
tentatives inabouties, elle gagne enfin, en 1816, le prix de l'Académie.
Même
si elle se heurte souvent, du fait de son sexe, au mépris des mathématiciens
établis, elle gagne aussi l'estime de certains d'entre eux (dont Gauss), et
l'Académie des Sciences française lui offre le privilège d'assister à ses
séances (mais, bien sûr, elle n'en était pas membre).
Né le 28 avril 1906 à Brno, en Moravie, Kurt Gödel est
sans conteste le logicien le plus important du XXe siècle. Elève brillant au Deutshe
Gymnasium de sa ville natale, il s'intéresse très tôt aux mathématiques, à
la philosophie et à la physique. C'est d'abord cette dernière matière qu'il
choisit d'étudier à l'université de Vienne en 1924, avant de se consacrer aux
mathématiques. Fréquentant le cercle de Vienne malgré son opposition à la
doctrine du positivisme logique prônée par le groupe, Gödel est amené à porter
son attention sur le problème du fondement des mathématiques.
En 1928, a lieu à Bologne le congrès international des
mathématiciens. Quatre problèmes y sont proposés. Entre 1929 et 1931, Gödel en
résout 2 entièrement et la moitié d'un troisième. Il s'agit du problème de la
complétude du calcul des prédicats, dont le résultat lui vaut le doctorat en
1930, et de deux théorèmes d'incomplétude. Rendu célèbre dès l'âge de
vingt-cinq ans par ces travaux, Gödel continue sur sa lancée et montre, en
1938, la consistance de l'axiome du choix et de l'hypothèse généralisée du
continu.
Les deux années qui suivent marquent un tournant dans la
vie du logicien. Rsedoutant les évènements politiques en Autriche, Gödel émigre
aux Etats-Unis en 1940 où il s'était déjà rendu plusieurs fois pour des séjours
passés à l'Institute for Avanced Study de Princeton. C'est d'ailleurs là qu'il
continuera désormais ses travaux en mathématiques et, de plus en plus, en
philosophie. Entre 1947 et 1950, il se penche également sur la théorie générale
de la relativité en compagnie d'Albert Einstein.
Bien que la "période américaine" de Kurt Gödel
n'ait donné lieu qu'à peu de publications - la plupart portant sur la
philosophie -, le savant laissera à sa mort un grand nombre d'écrits, qui sont
autant de traces d'un grand esprit.
Fils d'un professeur de grec, Werner Karl Heisenberg
entame ses études à l'université de Munich et les poursuit à Göttingen où il
devient l'assistant du physicien Max Born. Il fait alors la connaissance de
Niels Bohr et le rejoint à l'université de Copenhague après avoir obtenu une
bourse de la fondation Rockefeller. En 1928, il est nommé professeur de
physique théorique à l'université de Leipzig. Par la suite, il occupe un poste
similaire à Berlin. Pendant la seconde guerre mondiale, Heisenberg est placé à
la tête des recherches sur l'énergie atomique. A la chute du Reich, il est fait
prisonnier par les Anglais et ne retourne en Allemagne qu'en 1946 pour prendre
la chaire de physique de l'université de Göttingen. Il enseignera ensuite à
Munich où il demeurera jusqu'à sa mort en février 1976.
Les travaux de Heisenberg font de lui un des plus grands
physiciens contemporains. En 1925, il développe une nouvelle forme de mécanique
quantique, la mécanique matricielle, basée sur une image mathématique de
l'atome mettant en œuvre les fréquences et les amplitudes du rayonnement
absorbé et émis par la particule ainsi que ses niveaux d'énergie. Mais il est
surtout connu pour être l'auteur du principe d'incertitude, qui a influencé
toute la mécanique quantique. Ce principe d'indétermination montre, par une
formule mathématique, que l'on ne peut déterminer avec précision que la
position ou la vitesse d'une particule et jamais les deux à la fois. Ce
principe se trouve à l'origine du système probabiliste de la mécanique
ondulatoire. Outre cette théorie capitale, Heisenberg a également élaboré le
modèle du noyau de l'atome, formé uniquement de neutrons et de protons.
Tous ses travaux valurent à
Heisenberg le prix Nobel de physique en 1932. Il apparaît aujourd'hui comme
l'un des fondateurs de la physique moderne.
Christiaan Huygens naît le 14 avril 1629 à La Haye
(Pays-Bas). Issu d'une famille aisée, il reçoit une éducation exemplaire,
facilitée par les relations de son père, au nombre desquelles on compte René
Descartes et Marin Mersenne. Ayant la possibilité de se consacrer entièrement à
ses études, Huygens suit d'abord les cours de l'université de Leiden, avant
d'intégrer le Collège de Breda. En 1650, il rejoint le giron familial pour se
consacrer à ses propres travaux ; il y restera seize années, durant lesquelles
il ébauchera la plupart des traités futurs qui feront sa renommée. A plusieurs
reprises au cours de cette période féconde, il a l'occasion de se rendre à
Paris (en 1655, 1660 et 1663), ainsi qu'à Londres (en 1661), où le nom de son
père lui vaut de rencontrer de nombreux savants : Blaise Pascal, Gilles
Personne de Roberval, Ismaël Boulliau, Robert Boyle ou encore Gassendi.
En 1666, Christiaan Huygens, déjà connu, est accueilli à
bras ouvert par l'Académie royale des sciences de Paris, nouvellement fondée.
Logé à la Bibliothèque du roi même, il se voit attribué la pension la plus
élevée de toute l'Académie. Sa période parisienne dure jusqu'en 1681, date à
laquelle il regagne La Haye pour un séjour de convalescence, le troisième en
dix ans. Sa santé, de plus en plus précaire, et la révocation de l'Edit de
Nantes en France (1685) ne lui permettront pas de revenir à Paris. Désormais,
Huygens limite ses déplacements ; il se rend toutefois à Londres en 1689 et y
rencontre Isaac Newton.
Sans être un véritable fondateur, Huygens a, par ses
importantes contributions, permis l'avènement de la physique mathématique.
Remettant très tôt en question le bien-fondé des lois cartésiennes, il propose
sa théorie du choc des corps dès 1656, un travail qui ne sera publié que dix
ans plus tard. Il travaille ensuite sur l'isochronisme de la chute cycloïdale
et la force centrifuge, dont il l'obtient l'expression quantitative en 1659.
Les résultats de ces travaux sont publiés là encore tardivement dans Horologium
oscillatorium (1673). L'ouvrage, d'une grande densité, examine la relation
existant entre la longueur d'un pendule et la durée d'oscillation et introduit
la notion de moment d'inertie.
Dans le même temps, Huygens s'intéresse à l'optique et à
l'astronomie. Il rédige un traité de dioptrique et travaille à la construction
d'instruments d'optique plus fins qui lui permettent de faire de nouvelles
observations. Il décrit ainsi la véritable nature des anneaux de Saturne et
découvre pour la première fois un de ses satellites, Titan (1655). Il observe
également les composants de la nébuleuse d'Orion et détermine les dimensions du
système solaire.
Tout au long de sa vie, Huygens se penche sur les
mécanismes de l'horlogerie ; il invente ainsi l'horloge à pendule et les
montres à ressort spiral réglant. Deux ouvrages importants dominent la fin de
sa vie : le Traité de lumière (1690), dans lequel Huygens soutient la
théorie ondulatoire de la lumière et énonce le principe des ondes enveloppes
fondé sur la vitesse de propagation, et Discours de la cause de la pesanteur
(1690) où il reprend sa théorie de la force centrifuge pour proposer un modèle
mécanique de la pesanteur.
David
Hilbert domine les années entourant 1900, à l'instar d'Henri Poincaré. Ces deux
mathématiciens sont sans doute les derniers à maîtriser l'ensemble des
mathématiques de leur temps.
Le
nom de Hilbert reste en particulier attaché aux Vingt-Trois Problèmes qu'il
propose aux mathématiciens, au congrès international de Paris en 1900. Il
expose les problèmes qu'il juge les plus intéressants et les plus importants,
et qui doivent d'après lui susciter les efforts des mathématiciens de son
époque et du XXème siècle à venir. Certains d'entre eux ont été depuis résolus
(ou bien on a démontré que leur résolution était impossible). D'autres sont
encore ouverts (comme la conjecture de Riemann).
Dans
le domaine de la géométrie, on peut dire de lui qu'il est un nouvel Euclide,
car, dans la forme axiomatico-déductive inaugurée par les Éléments d'Euclide,
il donne une axiomatique de la géométrie, incomparablement plus complète et
rigoureuse que celle de son lointain prédécesseur, dans ses Fondements de la
Géométrie (Grundlagen der Geometrie), publiés en 1899.
La
fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle sont marqués par les
difficultés qu'ont les mathématiciens à établir leur discipline sur des fondations
solides. C'est ce qu'on a appelé la crise des fondements. Pour
tenter de résoudre ce problème, Hilbert publie en deux tomes ses Fondements
de la Mathématique (Grundlagen der Mathematik) (1934 et 1939). Il met en
place une Théorie de la démonstration, donc l'objectif est de démontrer
que les mathématiques ne peuvent pas aboutir à un paradoxe. Mais malgré tout
l'intérêt de cette théorie, elle ne peut parvenir au but rêvé par Hilbert ;
Kurt Gödel démontre en 1931 que ce projet est chimérique.
Les
travaux de Hilbert portent sur des domaines extrêmement divers des
mathématiques. On peut citer la Théorie des Invariants, la Théorie des
Nombres. . . Il engage les mathématiques dans la voie d'une abstraction
accrue, afin de gagner en efficacité et en simplicité, et ouvre la voie à l'Algèbre
moderne (voir la notice sur Emmy Noether).
Dans
le domaine de l'Analyse, il s'intéresse au calcul des variations,
aux équations intégrales, à propose desquelles il conçoit des espaces
vectoriels à une infinité de dimensions, munis d'une distance analogue à la
distance géométrique classique, à qui l'on a donné le nom d'espaces de
Hilbert. Dans tous ces domaines, fort variés, il fait faire aux
mathématiques des progrès importants.
Sa
fière devise, gravée sur sa tombe, était : "Wir müssen wissen. Wir
werden wissen" , c'est-à-dire : "Nous devons savoir. Nous
allons savoir. "
Hubble passe ses premières années
au Kentucky avant de se rendre à Chicago, où son père, avocat, travaille
dans les assurances. À l'école, Hubble se révèle un très bon élève et un
athlète de première classe. Il obtient une bourse pour entrer à l'Université
de Chicago, où travaillent Millikan et Hale qui exercent une influence sur
lui. Très bon boxeur poids lourd, il obtient néanmoins un diplôme en
mathématiques et en astronomie. En 1910, grâce à une bourse de Rhodes, il se
rend à Oxford pour y étudier la jurisprudence, plutôt que les
mathématiques qu'il trouve trop spécialisées. Il continue de boxer en spectacle.
De retour aux Etats-Unis, en 1913, il est admis au barreau et s'ouvre un bureau
à Louisville, dans le Kentucky; l'expérience s'avère décevante. Finalement, en
1914, il entreprend des études universitaires avec F.B. Frost, à l'Observatoire
Yerkes. En 1917, il obtient son doctorat, avec une thèse de recherche sur les
nébuleuses, dans laquelle il conclut que les nébuleuses planétaires sont dans
notre galaxie, mais que les spirales se trouvent hors de la Galaxie.
Lors d'une visite à Yerkes,
impressionné par les talents d'observateur de Hubble, Hale lui offre un poste
au mont Wilson ( où fonctionne déjà le télescope de 1.5m alors que celui de
2.5m est en construction ). Hubble accepte, mais ses plans n'ont pas prévu la
guerre. Il télégraphie à Hale: "Je regrette de ne pouvoir accepter votre
invitation. Je pars pour la guerre." Il sert avec le corps expéditionnaire
américain, en France ( où il a le grade de major ), et avec l'armée
d'occupation, en Allemagne, jusqu'à l'automne 1919. De retour en octobre 1919,
il rejoint aussitôt Hale au mont Wilson.
Avec le télescope de 2.5m, Hubble montre que certaines
étoiles de la grande nébuleuses d'Andromède M31 sont des variables céphéides.
Utilisant la loi de Leavitt-Shapley, il détermine sa distance à 800 000 années-lumière,
ce qui place M31 hors de notre galaxie. Ainsi, Hubble met fin au long débat sur
la nature des objets diffus qu'on appellera désormais galaxies.
Soudainement les frontières de l'univers connu se trouvent repoussées de
plusieurs milliers de fois.
En 1929, Hubble analyse les vitesses radiales des
galaxies, mesurées par Slipher à partir des décalages de raies spectrales. Il
se limite d'abords aux galaxies à moins de 6 millions d'années-lumière; il
s'aperçoit que la relation vitesse-distance est approximativement linéaire. En
compagnie de Milton Humason, il étend son étude à des galaxies distantes
jusqu'à 100 millions d'années-lumière. La relation reste une droite. Il énonce
sa fameuse loi: plus une galaxie est éloignée, plus le décalage spectral
vers le rouge est grand, et donc plus elle s'éloignerait vite.
Une étude systématique de la distribution spatiale des
galaxies l'amène à conclure que, même à petites distances elles ne sont pas
distribuées de manière isotropique, à grandes distances, leur distribution est
uniforme. Son livre Realm of the Nebulae ( 1936 ) demeure un texte
fondamental, même aujourd'hui. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il est chef
d'un laboratoire balistique; il obtient la médaille de Mérite pour ses
services. Souffrant du coeur, il est terrassé par une thrombose cérébrale en
1953, alors qu'il se préparait à aller observer au mont Palomar, pour quatre
nuits.
Homme de science polyvalent, Hubble démontra pleinement
le rôle actif qu'un chercheur peut jouer dans la société. Il donna des
conférences au grand public, portant sur des sujets aussi divers que
l'exploration spatiale, Francis Bacon, la science en Angleterre durant la
Renaissance, le " smog ", le télescope de Palomar, etc. Il parut sur
la couverture de l'hebdomadaire Time et fut la coqueluche des vedettes
du cinéma d'Hollywood.
Andreï
Kolmogorov est certainement un des mathématiciens les plus importants du XXème
siècle. Son nom est particulièrement associé à la Théorie des Probabilités,
à la Théorie des Systèmes dynamiques, à la Théorie de l'Information
et à la Topologie.
Un
des travaux majeurs de Kolmogorov est la formalisation de la théorie des probabilités
sous une forme axiomatique, qu'il effectue dans un article en allemand de
1933, Grundbegriffe der Warscheinligkeitsrechnung, (Les fondements du
calcul des probabilités). Il développe notablement cette même théorie,
s'intéressant en particulier aux processus de Markov (nommés d'après Andreï
Markov, 1856-1922).
En topologie,
il développe une théorie très importante, celle de l'homologie et de la
cohomologie, en même temps que le mathématicien américain James Alexander, mais
de façon indépendante.
En théorie
des systèmes dynamiques, il ouvre une nouvelle théorie, appelée KAM, des
initiales de ses créateurs, Kolmogorov, et deux collaborateurs, Arnold et
Moser. (Pour une présentation naïve des systèmes dynamiques, qui n'aborde pas
la théorie KAM, voir la notice sur J.-C. Yoccoz).
En Théorie
de l'Information, Kolmogorov tente de répondre à la question suivante : À
quoi voit-on qu'une suite est une suite de nombres tirés au hasard, au lieu
d'obéir à une loi, éventuellement très bien cachée. Il arrive à définir le
concept de "suite n'obéissant pas à une loi", en utilisant le concept
d'algorithme, ou plutôt, d'absence d'algorithme. (En fait, la définition de
Kolmogorov, qui souffrait d'un défaut, a été améliorée par le mathématicien
suédois P. Martin-Löf). Appelons une telle suite "contingente". On
peut montrer qu'une suite "contingente" en ce sens vérifie les
théorèmes sur les suites de variables aléatoires qui ne sont gouvernées que par
le hasard, au sens de la théorie des probabilités. Kolmogorov fait aussi
intervenir le concept d'entropie dans ce domaine de recherche. Ces
quelques aperçus sont tirés de l'ouvrage d'Ivar Ekeland, Au hasard, Seuil,
Science ouverte, 1991.
Non
content d'avoir résolu en partie le Sixième problème de Hilbert
(l'axiomatisation des Probabilités ; Hilbert aurait souhaité axiomatiser toute
la Physique), Kolmogorov résout totalement son treizième problème.
Kolmogorov
a mené une carrière extrêmement rapide et brillante. Entré à l'Université de
Moscou en 1920, à l'age de 17 ans, il publie des résultats remarquables dès
1922. Avant même d'obtenir son diplôme et de bénéficier d'un statut de
chercheur, il publie de très nombreux articles. Il y est nommé professeur en
1931, puis il devient directeur du département de mathématiques et
statistiques.
Jospeh Louis Lagrange est l'un des plus grands
scientifiques du XVIIIe siècle. Né à Turin (Italie) en 1736, il est un élève
brillant à l'université de sa ville natale avant d'être nommé professeur de l'Ecole
royale d'Artillerie à seulement dix-neuf ans. Avec quelques amis, il fonde
en 1757 une société scientifique, future Académie des sciences de Turin. Deux
mathématiciens vont jouer dans la vie de Lagrange un rôle important. Le
premier, Euler, avec qui il entretient une importante correspondance,
l'encourage et l'inspire dans ses travaux mathématiques. Le second, d'Alembert,
est son ami. Grâce à lui, Lagrange rejoint la cour de Frédéric II à Berlin en
1766. Il y est nommé directeur de la section mathématique de l'Académie des
sciences, à la suite de son mentor parti pour Saint-Pétersbourg. A la mort de
l'empereur, après vingt années de travail fertile, Lagrange accepte
l'invitation du gouvernement français et part pour Paris. Devenu pensionnaire
vétéran de l'Académie des sciences, il participe, pendant la Révolution, à
l'élaboration du système métrique en collaboration avec Lavoisier, puis
contribue à la fondation de l'Ecole normale, de l'Ecole Polytechnique et du
Bureau des longitudes. Admiré par Napoléon 1er, il meurt honoré
(sénateur, comte d'Empire et grand officier de la Légion d'honneur), en avril
1813.
Lagrange est à l'origine de nombreuses avancées dans tous
les domaines des mathématiques. Il est, avec Euler, l'un des fondateurs du
calcul des variations. Il démontre également les théorèmes de Wilson et
de Bachet et fonde la théorie des formes quadratiques (Recherches
arithmétiques, 1775). Mais l'œuvre majeure de Lagrange est sans aucun doute
sa Mécanique analytique, publiée en 1788. Dans cet ouvrage, il
systématise l'utilisation des équations différentielles qu'il applique à des
problèmes de mécanique pure. Sa méthode sera à l'origine de nombreuses
recherches ultérieures dont celles de Hamilton. Enfin, en mécanique céleste,
Lagrange développe également des recherches importantes : sur le problème des
trois corps (voir l'article "Trios dans l'espace"), la libration de
la Lune et le mouvement des planètes.
Se rangeant parmi les géants de la science de tout temps,
Laplace peut être considéré, à juste titre, comme le Newton français.
Né d'une famille démunie, le jeune Pierre Simon reçoit
une excellente éducation grâce à des voisins aisés qui ont remarqué son
intelligence exceptionnelle. À 18 ans, il arrive à Paris avec une lettre de
recommandation, pour rencontrer le célèbre mathématicien d'Alembert; ce dernier
refuse de voir l'inconnu. Mais Laplace insiste: il envoie à d'Alembert un
article qu'il a écrit sur la mécanique classique. D'Alembert en est si
impressionné qu'il est tout heureux de patronner Laplace. Il lui obtient un
poste d'enseignement en mathématique.
Laplace travaille tout d'abord
avec Lavoisier entre 1782 et 1784; ensemble ils effectuent des mesures calorimétriques
relatives aux chaleurs spécifiques et aux réactions chimiques. Laplace établit
la formule des transformations adiabatiques d'un gaz et élabore une théorie
générale de la capillarité. Il énonce aussi deux lois fondamentales de
l'électromagnétisme.
Puis, il dirige ses efforts vers l'analyse des
perturbations et de la stabilité du système solaire. Il démontre, en 1787, que
la lune accélère un peu plus sur son orbite qu'on ne l'a expliqué
antérieurement; il attribue cet effet à la diminution de l'excentricité de
l'orbite de la terre, sous l'influence gravitationnelle des autres planètes.
Avec le mathématicien Joseph-Louis de Lagrange (
1736-1813 ), il démontre que l'excentricité totale des orbites planétaires du
système solaire doit demeurer constante; si une planète voit son excentricité
augmenter, une autre la verra diminuer. Il en est de même pour l'inclinaison
des plans orbitaux. Comme la marge de différence entre les excentricités et les
inclinaisons est très faible, peu de changements sont possibles. Ceci implique
que le système solaire n'a pas été perturbé depuis sa formation et que sa
stabilité reste assurée pour des dizaines de milliards d'années à venir, à
moins de l'arrivée d'un corps massif.
Laplace résume ses travaux et réunit ceux de Newton,
Halley, Clairaut, d'Alembert et Euler, concernant la gravitation universelle,
dans les cinq volumes de sa mécanique céleste ( 1798-1825 ).
Son prestige et son habilité lui
permettre de survivre aux nombreux sursauts de la vie politique mouvementée de
son époque. Napoléon le nomme ministre de l'Intérieur, puis sénateur; il
devient président du Sénat en 1803 et il est nommé comte de l'Empire par
Napoléon. Après la chute de ce dernier, Laplace se rallie à Louis XVIII qui le
fait marquis. En 1817, Laplace devient président de l'académie française.
Feuilletant la Mécanique
céleste, Napoléon fit remarquer à Laplace qu'il n'y était nulle part fait
mention de Dieu. "Je n'ai pas eu besoin de cette hypothèse", rétorqua
le savant. Laplace est mieux connu pour sa célèbre Exposition du système du
monde (1796), où il formula son hypothèse cosmogonique de la formation du
système solaire à partir de la condensation d'une "nébuleuse
primitive". Le refroidissement des couches extérieures autour d'un noyau
fortement condensé, joint à la rotation de l'ensemble, aurait engendré dans le
plan équatorial de la nébuleuse des anneaux successifs; ces derniers auraient
donné les planètes et leurs satellites, tandis que le noyau central aurait
formé le soleil. Cette position influença grandement le développement de la
pensée au 19ième siècle et, longtemps, ont cru que les "nébuleuses
spirales" ( galaxies ) étaient des systèmes solaires en formation. Enfin,
considérant la possibilité d'obtenir un corps condensé, avec une force de
gravité suffisamment grande pour que la vitesse d'échappement soit égale à
celle de la lumière, Laplace fut le premier à avoir envisagé la possibilité de trous
noirs.
Leibniz,
grand mathématicien, est aussi une des grandes figures de la civilisation
européenne.
Il
a produit une œuvre philosophique de premier plan, il a fait diverses
découvertes en Physique, il a construit une machine à calculer supérieure à
celle de Blaise Pascal, s'est intéressé aussi à la logique, à la numération
binaire, il est l'un des deux fondateurs de l'Analyse mathématique. . .
mais il a fait des études juridiques et remplit de nombreuses missions
diplomatiques.
Contrairement
à l'immense majorité des grands mathématiciens, Leibniz est venu très tard aux
mathématiques, à l'ge de 26 ans, à l'occasion d'un séjour à Paris en 1672, et
ses débuts sont difficiles, il commet de nombreuses erreurs, dues au fait qu'il
est débutant, et qu'il manque de "technique" mathématique.
Mais
très rapidement, l'élève devient un maître. Dès 1675 (dans un manuscrit daté du
21 Novembre), Leibniz invente les symboles dx, (un S, initiale du mot
latin summa, somme), donne les premières règles de dérivation, d'intégration.
Il a créé l'Analyse mathématique, ou calcul infinitésimal, qui tient
encore de nos jours une telle place dans les programmes de nos lycées.
A
partir de 1684, Leibniz publie les bases de son nouveau calcul dans le revue
qu'il a fondée à Leipzig, les Acta Eriditorum, les Actes de Erudits. Les
résultats sont innombrables et remarquables, avec quelques erreurs. Un des plus
importants est le "Théorème fondamental de l'Analyse", à
savoir que dérivation et intégration sont des opérations (sur les fonctions) en
quelque sorte inverses l'une de l'autre. Le mot même de fonction est dû
à Leibniz.
Dans
son nouveau calcul, Leibniz a des disciples, qui bientôt le développent et le
propagent, dont font partie les frères Jean et Jacques Bernoulli, de Bâle, et
le Marquis de l'Hospital. Les découvertes et les notations de Leibniz se
propagent ainsi sur le continent européen.
Les
mêmes découvertes avaient été faites par Isaac Newton, avec un point de vue et
des notations différentes, ce qui a entraîné entre les deux hommes une pénible
querelle de priorité, Newton accusant Leibniz de lui avoir volé ses inventions.
Il semble bien au contraire que les découvertes des deux hommes aient été
indépendantes. Mais le fait que Leibniz, et surtout Newton, attendaient très
longtemps pour publier leurs résultats favorisaient ce genre de controverses.
Parmi
les travaux de Leibniz en dehors de son Analyse, on peut citer un Essay
d'une nouvelle science des nombres sur le système binaire, sur
lequel il fut l'un des premiers à travailler. Il avait aussi développé tout un
travail sur les déterminants, mais il ne le publia pas de son vivant.
Enfin, il fut créateur aussi dans le domaine de la Logique.
Brillant élève au collège, James Clerk Maxwell poursuit des
études de mathématiques à l'université de Cambridge. Il obtient une chaire de
philosophie naturelle à Aberdeen à l'âge de vingt-cinq ans. Puis, de 1860 à
1865, il occupe le poste de professeur au King's College de Londres. A la suite
de ces cinq années d'enseignement, il décide de se retirer dans sa propriété de
Glenair, en Ecosse. Il y restera cinq autres années qu'il emploiera à étudier.
En 1871, Maxwell est nommé directeur du laboratoire Cavendish que vient de
fonder le duc du Devonshire. Il n'aura alors de cesse de le développer afin
qu'il devienne le centre de formation scientifique le plus illustre.
Dès le début de sa carrière,
Maxwell s'intéresse à la dynamique des gaz. Après avoir prouvé mathématiquement
que les anneaux de Saturne sont constitués de particules distinctes, il étudie
la répartition des vitesses des molécules gazeuses (conforme à loi de Gauss).
En 1860, il montre que l'énergie cinétique de ces molécules ne dépend que de
leur nature. Mais ce sont ses recherches en électromagnétisme qui font de
Maxwell un des savants les plus célèbres du XIXe siècle. En se
basant sur les travaux de Faraday, il introduit dès 1862 la notion de champ.
Puis, il montre qu'un champ magnétique peut être créé par la variation d'un
champ électrique (Faraday avait alors découvert l'induction, phénomène par
lequel la variation d'un champ électrique crée un champ magnétique). Son
enseignement purement mathématique va alors lui permettre d'élaborer les
célèbres équations différentielles décrivant la nature des champs
électromagnétiques dans l'espace et le temps. Il les expose dans son Traité
d'électricité et de magnétisme publié en 1873. Maxwell, en élaborant les
théories de l'électromagnétisme, a également défini la lumière en tant qu'onde
électromagnétique, ouvrant ainsi la voie aux recherches d'autres physiciens
comme Heinrich Rudolph Hertz.
Fils de la directrice d'une verrerie, Dmitri Ivanovitch
Mendeleïev acquiert ses premières connaissances scientifiques des maîtres
verriers. En 1854, à vingt ans, il se fait connaître par un remarquable mémoire
en chimie alors qu'il est toujours étudiant à l'université de
Saint-Pétersbourg. L'année suivante, il sort premier de l'Institut
pédagogique et passe une thèse consacrée à l'isomorphisme. Nommé professeur à
Simféropol puis à Odessa, il devient chargé de cours à l'université de
Saint-Pétersbourg à l'âge de vingt-trois ans. En 1864, il obtient le poste de
professeur de technologie chimique puis la chaire de chimie inorganique en 1867.
L'année suivante, il entame la rédaction des Principes de la chimie.
Cet ouvrage deviendra une œuvre de référence et sera traduit dans toutes les
langues. On y trouve le célèbre tableau périodique qui sera amélioré en 1871.
En effet, Mendeleïev constate que les 63 éléments connus
peuvent être classés selon leur masse atomique. Il laisse également des cases
vides pour des éléments encore inconnus mais dont il envisage l'existence. Les
découvertes du gallium, du germanium et du scandium quelques années plus tard
confirmeront sa classification. Les recherches de Mendeleïev portent également
sur les solutions aqueuses, la compressibilité des gaz, la dilatation thermique
des liquides et la nature du pétrole. Il passe notamment quelques temps en
Pennsylvanie et au Caucase afin d'y étudier les pétroles, principales
ressources naturelles du pays. En 1890, Mendeleïev devient conseiller
scientifique des services militaires russes et trois ans plus tard, il est
nommé directeur du Bureau des poids et mesures de Saint-Pétersbourg. Il meurt
d'une crise cardiaque au début de l'année 1907.
Comme
son contemporain Gottfried Leibniz, Isaac Newton dépasse son statut de grand
mathématicien, co-fondateur de cet outil prodigieux qu'est le calcul
infinitésimal. Il s'agit certainement d'une des grandes figures de l'histoire
de la culture européenne.
Ses
deux oeuvres les plus importantes dans le domaine mathématique furent donc
cette invention de l'Analyse Infinitésimale, mais aussi son application
à la Physique et à l'Astronomie, en particulier sa Théorie de la Gravitation
universelle. On ne pouvait rêver meilleure démonstration de la puissance
d'explication des mathématiques.
On
ne sera pas étonné que Newton arrive aux concepts de dérivée et de primitive,
qu'il invente, sous l'angle de la cinématique, du mouvement ; ceci est cohérent
avec ses intuitions de grand Physicien. (Au contraire de Leibniz, qui arrive à
ces découvertes plutôt par l'intermédaire de la géométrie, et de notations bien
choisies.) Il voit ce que nous appelons "primitive" comme la quantité
qui varie en fonction du temps, ou fluente,et ce que nous appelons
"dérivée" comme sa variation ou sa vitesse de variation ,
nommée fluxiondans le vocabulaire de Newton. Tel était déjà,
semble-t-il, le point de vue de son maître Isaac Barrow. Ce point de vue a
l'avantage d'en appeler aisément à l'intuition. A partir de cette théorie,
Newton arrive, comme Leibniz, au progrès décisif qu'est le fait que dérivation
et intégration sont deux opérations réciproques l'une de l'autre (Barrow en a
peut-être eu l'intuition). Comme Newton maîtrise très bien la technique
mathématique de son temps, le nouvel outil qu'il a forgé est extrêment
productif entre ses mains, et il peut accumuler les résultats. L'ouvrage
correpondant à ces découvertes est le De Methodis Serierum et Fluxionum,
(Les méthodes des séries et des fluxions), écrit en 1671, mais publié seulement
en 1736. La double découverte des fondements du calcul infinitésimal, par Newton
et par Leibniz, entraîne entre les deux hommes, et leurs deux écoles, une
triste et sans doute absurde querelle de priorité.
Le
grand ouvrage de Newton est le Philosophiae Naturalis Principia Mathematica
(Principes mathématiques de la Philosophie naturelle), publié en 1687. Il
s'agit principalement d'un traité de Physique, mais un des ressorts essentiel
de l'explication des phénomènes, comme le titre l'indique, est le calcul
mathématique. Dans cet traité, Newton doit présenter et démontrer les nouveaux
résultats mathématiques dont il a besoin, avant de montrer comment ils
s'appliquent à la Physique. Il est donc simultanément novateur dans les deux
sciences. Du point de vue purement mathématique, le grand exploit de Newton est
de retrouver les lois de Kepler sur le mouvement des planètes à partir
d'équations différentielles, elles-mêmes provenant des postulats physiques
"F = ma" sur la force et l'accélération, et "F = k / (d^2)"
(la force de gravitation est inversement proportionnelle au carré de la distance
séparant les deux corps ; cette hypothèse étant justement retenue parce qu'elle
permet d'aboutir aux lois de Kepler).
Outre
toute leur portée en Physique proprement dite, les Principia sont une éclatante
démonstration de l'efficacité des mathématiques pour la connaissance du monde.
Ils firent la gloire de Newton, provoquèrent l'admiration de l'opinion éclairée
européenne, en entraînèrent un grand optimisme sur les capacités de la Physique
et de Mathématiques à expliquer le fonctionnement de la Nature, optimisme
d'ailleurs justifié par l'histoire de la science au cours des trois siècles qui
se sont écoulés depuis lors.
Dans
le domaine purement mathématique, Newton travaille également sur les séries.
On peut citer aussi la formule du binôme de Newton (avec un exposant non
entier), la méthode de Newton pour trouver la solution de f(x)=0...En
Physique, ses recherches en Optique ont été particulièrment importantes.
Cet
homme génial avait sans doute une personnalité complexe et tourmentée. Il n'est
plus guère créateur dans le domaine scientifique au cours de la dernière partie
de sa vie. Il est président de la Royal Society à partir de 1907, et occupe de
plus le poste prestigieux de directeur de la Monnaie à partir de 1700.
Emmy
Noether reste dans l'histoire des mathématiques comme la fondatrice principale
de l'Algèbre abstraite, ou Algèbre moderne, qui est une des
branches essentielles des mathématiques contemporaines. Cette algèbre
abstraite prend de la hauteur par rapport aux calculs menés dans divers
ensembles, munis de diverses opérations, et montre ce que ces calculs ont en
commun. En gagnant en généralité, elle gagne en clarté et en efficacité.
L'algèbre
abstraite se voue à l'étude des structures, les plus classiques
étant celles de Groupe, d'Anneau, de Corps. Emmy Noether a
découvert des résultats nouveaux sur ces structures, et a surtout contribué,
par ses recherches et par son enseignement, au développement de ce nouveau
domaine des mathématiques. Ses idées ont contribué aussi au progrès de la
Physique, en particulier dans la théorie de la Relativité.
Allemande,
Emmy Noether était la fille d'un professeur de mathématiques. Malgré toutes ses
qualités, elle eut des difficultés à mener une carrière normale de professeur
d'université, car elle était une femme, dans un milieu exclusivement masculin.
. . Elle bénéficia cependant de l'estime et de l'appui de David Hilbert,
d'Albert Einstein et de Felix Klein.
Les
nazis, arrivés au pouvoir, la chassèrent de l'université de Göttingen, en tant
que Juive, et elle dut quitter en 1933 l'Allemagne pour les États-Unis.
Destiné à la chirurgie, Siméon Denis Poisson montre
pourtant une réelle aptitude pour les mathématiques. En 1798, à peine âgé de
dix-sept ans, il est reçu premier à l'Ecole polytechnique. Il attire
alors l'attention de Lagrange et Laplace qui voient en lui un brillant
mathématicien. En 1800, il devient répétiteur puis professeur deux ans plus tard.
En 1808, il entre au Bureau des longitudes puis est nommé successivement
professeur de mécanique à la faculté des sciences, membre de l'Institut,
examinateur de sortie de l'Ecole polytechnique et enfin conseiller de
l'université. En 1837, une ordonnance royale l'élève au rang de pair de France.
Il mourra à Paris trois ans plus tard.
Poisson a dédié sa vie à la recherche scientifique.
Auteur de plus de trois cents mémoires, il s'intéresse à de nombreuses
disciplines. En mathématiques, il développe la loi des grands nombres,
loi fondamentale dans la théorie des probabilités. En astronomie, il se penche
sur l'étude des mouvements planétaires et rédige un ouvrage exceptionnel Sur
l'invariabilité des moyens mouvements des grands axes planétaires. Mais
c'est en physique mathématique que Poisson se distingue le plus. Ces travaux en
électricité et en magnétisme sont notamment d'une grande importance. Se basant
sur la théorie de Coulomb, il essaye de calculer mathématiquement la
distribution des charges électriques sur la surface d'un conducteur. Il
démontrera par la suite que ces éléments sont applicables au magnétisme.
Giuseppe
Peano est célèbre pour son travail axiomatique, pour ses notations,
et enfin, de façon plus anecdotique, pour la courbe qui porte son nom
L'axiomatisation
des entiers naturels par Peano permet de faire de l'arithmétique sans se
soucier de ce que sont les entiers. Un ensemble (appelons N), muni d'une
application de succession de N dans N, et d'un de ses éléments, notons z,
vérifiera l'axiomatique de Peano (exprimée ici en langage naïf), si :
·
1) Il n'y a pas de x élément de N tel
que s (x) = z.
·
2) Si s (x) = s (y), alors x = y.
·
3) Si une partie M de N est telle que z en
soit élément, et telle aussi que, lorsque x et élément de M, s (x) l'est
nécessairement aussi, alors M = N.
On
aura reconnu dans le troisième axiome la propriété de récurrence.
Cette
axiomatisation des entiers faisait partie d'un plus vaste programme de la part
de Peano, qui visait à clarifier totalement les mathématiques, tant dans leurs
raisonnements que dans leurs calculs, d'où la nécessité de mettre en place des
notations précises et efficaces, aussi bien pour la logique que pour la théorie
des ensembles et les différentes branches des mathématiques. Ce programme
ambitieux a remporté un succès certain, puisque nos symboles pour
l'appartenance à un ensemble, la réunion, l'intersection, proviennent des
travaux de Peano.
La courbe
de Peano, d'une conception très astucieuse, est une courbe, au sens qu'elle est
l'image du segment [0,1] par une application continue, qui cependant remplit un
carré dans le plan, par exemple le carré dont la diagonale a pour extrémités
les points de coordonnées (0,0) et (1,1).
Comme
les travaux de Cantor, cette courbe oblige à se poser des questions sur la
notions d'application continue, de longueur, de dimension. . . Topologiquement,
on peut dire qu'une courbe a le droit de remplir un carré. . . si elle admet
des points multiples, ce qui est le cas de la courbe de Peano. Par ailleurs,
celle-ci a une longueur infinie (elle n'est pas rectifiable), et est même de
dimension 2, pour la théorie de la mesure, alors que topologiquement sa
dimension est 1. Ces propriétés font que l'on peut considérer la courbe de
Peano comme le premier exemple historique de fractale, au sens de Benoît
Mandelbrot.
Peano
était un Turinois, qui fit toute sa carrière dans cette ville.
Henri
Poincaré est, avec David Hilbert, l'un des deux mathématiciens majeurs, au
passage du XIXème au XXéme siècle.
Il
est le fils d'un professeur de médecine de Nancy. Son cousin, Raymond Poincaré,
fut président de la république pendant la première guerre mondiale. Henri est
élève de l'École Polytechnique, puis de l'École des Mines de Paris,
avant de mener une carrière universitaire et d'être professeur à Polytechnique.
Les
travaux d'Henri Poincaré portent sur des domaines très divers des mathématiques
et de la physique. On a dit de lui et de Hilbert qu'ils furent les derniers à
maîtriser l'ensemble du savoir mathématique. Il s'intéressa aux équations
différentielles, et inventa une classe de fonctions, les fonctions automorphes.
Il est l'un des pionniers de la Topologie, cette branche des
mathématiques portant (en gros) sur les propriétés des objets géométriques qui
ne changent pas quand on déforme ces objets, et plus précisément de la topologie
algébrique. Il s'intéresse aussi à la théorie des nombres.
Henri
Poincaré a également mené des travaux en mécanique céleste. Il a
remporté un concours mathématique international sur le Problème des Trois
Corps, qui peut s'énoncer ainsi : Trois corps célestes, dans le vide,
exercent chacun sur les deux autres des forces de gravitation. Quelles vont
être leurs trois trajectoires ? Cet énoncé, très simple, conduit tout aussi
simplement à un système d'équation différentielle dont Poincaré a démontré
qu'il était très difficile de le résoudre. Les études de Poincaré ont inauguré
la Théorie des Systèmes dynamiques (voir Kolmogorov et Yoccoz), ainsi
que la Théorie du Chaos, qui a pris une grande ampleur vers la fin du
XXème siècle. Il s'est intéressé à un grand nombre de problèmes de Physique, et
fut l'un des précurseurs de le Relativité restreinte.
Il
a écrit divers ouvrages de vulgarisation et de philosophie des mathématiques et
de la physique. La science et l'hypothèse (1901), La valeur de la science
(1905), La Sciences et méthodes (1908), sont d'une lecture toujours
passionnante. Ils ont été réédités au format de poche, chez Flammarion
(Champs). Car Henri Poincaré a aussi conduit une réflexion philosophique sur
les sciences, qui l'a amené à intervenir dans le débat sur les fondements des
mathématiques, avec Bertrand Russell, David Hilbert. Dans ce débat, il adopte
une position intuitionniste, qui s'oppose aux points de vue logiciste,
ou formaliste.
Nous
connaissons et admirons Euclide sans avoir presque aucun renseignement sur
l'homme, mais en disposant de son œuvre imposante, que nous pouvons étudier à
loisir. En revanche, nous ne connaissons rien de l'œuvre de Pythagore, si ce
n'est de façon très indirecte et incertaine. Nous avons de nombreux récits sur
sa vie, mais où il est difficile, là aussi, de faire la part entre le légende
et la réalité. Pythagore est une figure mythique, dans tous les sens du
terme. Il est comme l'emblème des mathématiques.
Et certes,
il mérite de jouer ce rôle. Ses disciples les plus proches s'appelaient mathematikoi,
les mathématiciens, "mathématique" signifiant en grec ancien,
la science, ce qu'on enseigne ou qu'on apprend. Et voici ce que dit en effet
(deux siècles après) Aristote dans sa Métaphysique : "Ceux qu'on
appelle Pythagoriciens s'intéressèrent les premiers aux mathématiques, et les
firent progresser. Comme ils avaient été élevés dans cette science, ils crurent
que ses principes étaient les principes de toute science ; et puisque par
nature les nombres sont les premiers des principes mathématiques, c'est dans
les nombres qu'ils pensaient voir de nombreuses similitudes avec les êtres
éternels, ainsi qu'avec les créatures soumises au devenir, bien plus encore que
dans le feu, la terre, et l'eau" (in Mattei, Pythagore,
collections Que Sais-Je). Pythagore devient ainsi la figure du mathématicien
par excellence, et du philosophe ou du savant qui veulent expliquer le monde
par les mathématiques et le nombre.
On
attribue à Pythagore l'invention de la gamme pythagoricienne, proche en fait de
la nôtre, et basée sur le rapport de fréquences 3/2 entre les notes (qui
correspond à l'intervalle musical de quinte, de Do à Sol). Le fait que l'harmonie
semblait reposer sur des quotients simples entiers (3/2, mais aussi 4/3, de Do
à Fa, 9/8, de Do à Ré. . . ) venait à l'appui de la conception pythagoricienne
du monde comme reflet des mathématiques. Les Pythagoriciens menaient également,
semble-t-il, des spéculations sur le Pair, l'Impair. . . peut-être tout autant
mystiques que scientifiques.
En
effet, plus qu'un savant, Pythagore était sans doute un sage, un philosophe, et
le fondateur d'une religion. Il dirigeait une communauté de disciples à Crotone,
dans le Sud de l'Italie, et si les mathématiques faisaient partie de
l'enseignement qu'il prodiguait, la part religieuse, mystique, les règles de
vie et d'éthique qu'il imposait y jouaient vraisemblablement un rôle encore
plus important. Sur la vie du maître, sur ses voyages, sur les persécutions
dont a été l'objet sa secte, les anecdotes sont nombreuses, et la frontière
paraît malaisée à tracer entre l'histoire et la légende.
Qu'en
est-il du "théorème de Pythagore" ? Ce résultat était
certainement connu des Babyloniens, bien avant Pythagore. . . Peut-être
l'a-t-il, le premier, énoncé de façon plus abstraite, et non plus seulement
dans des cas particuliers, fussent-ils très nombreux. . . La vraie question qui
se pose, c'est de savoir si c'est aux Pythagoriciens que l'on doit la
particularité de la science grecque, c'est-à-dire une science spéculative,
logique, tendant vers l'abstraction, bien au-delà du sensible ou du simple
calcul (voir la notice sur Euclide). Les Anciens Grecs avaient d'ailleurs coutume
d'attribuer à Pythagore, à tort ou à raison, tous les résultats fondamentaux de
leurs mathématiques.
A
Alexandrie, au début de notre ère, a fleuri de nouveau une philosophie se
réclamant de Pythagore et de Platon, appelée néopythagoricienne ou néoplatonicienne,
et qui accordait un grande importance au nombre, particulièrement aux nombres
entiers. L'idée des pythagoriciens, suivant laquelle les nombres expliquent le
monde, n'est-elle pas aussi centrale dans notre science moderne ? La Physique
mathématique n'explique-t-elle pas elle aussi les phénomènes par les
mathématiques ? On a les exemples de l'équation E = M. C^2, ou des structures
mathématiques sous-jacente à Théorie de la Relativité ou aux particules
élémentaires. Peut-être sommes-nous encore pythagoriciens.
Laurent
Schwartz est un des mathématiciens français contemporains les plus connus. Il
est l'un des Français qui ont été récompensés par une une médaille Fields, la
plus haute distinction pour un mathématicien, et l'équivalent du prix Nobel
(avec Jean-Pierre Serre, René Thom, Alexander Grothendieck, Pierre René
Deligne, Alain Connes, Pierre-Louis Lions, Jean-Christophe Yoccoz).
Cette
médaille lui a été décernée en 1950 pour ses travaux sur les distributions.
Dans le domaine de l'Analyse mathématique, les distributions de Schwartz
généralisent les fonctions et les mesures. Elles permettent de
donner une dérivée (dans un certain sens) à des fonctions qui, au sens usuel,
ne sont pas dérivables. Les distributions ont permis d'unifier et de résoudre
un certain nombre de problèmes en mathématiques, en physique, et même en
électronique. Elles ont permis par exemple de donner un sens à la
"fonction" delta de Dirac, nulle sauf en 0, et pourtant d'intégrale
égale à 1, (en fait, il s'agit d'une mesure), et d'expliquer pourquoi elle est
la dérivée de la fonction en escalier valant (-1/2) sur ]-infini, 0[ et (1/2)
sur ]0, + infini[, résultats qui étaient admis jusque-là en électronique, mais
n'étaient pas mathématiquement rigoureux.
Laurent
Schwartz a été élève de l'École Normale Supérieure. Il a été professeur
d'université et professeur à l'École Polytechnique. Il s'est souvent engagé
dans des actions politiques, signant par exemple en 1960 le manifeste des 121 intellectuels
contre la guerre d'Algérie. Il a été alors démis de son poste à Polytechnique
par le ministre de la défense, mais y reprend son enseignement quelque temps
après. Plus récemment, il a participé à la protestation contre l'invasion de
l'Afghanistan par l'armée soviétique. Il s'est préoccupé aussi de
l'organisation de l'enseignement supérieur.
Parmi
ses ouvrages, on peut indiquer son autobiographie, Un Mathématicien aux prises
avec le siècle, Éditions Odile Jacob, 1997, sa Théorie des Distributions,
chez Herman, ainsi que de nombreux traités et manuels pour l'enseignement
supérieur.
Karl Schwarzschild est l'aîné d'une famille de six
enfants. Son père, de religion juive, est un homme d'affaires prospère de Frankfurt.
Le jeune Karl peut ainsi jouir d'une enfance assez aisée et fréquenter des
artistes et des musiciens, dès son jeune âge. Sa curiosité pour les étoiles se
manifeste dès ses premières années scolaires, lorsqu'il construit un petit
télescope. Témoin de cet intérêt, son père le présente à un ami mathématicien
qui a un observatoire privé. Schwarszchild apprend à utiliser un télescope et
étudie des mathématiques plus avancées qu'à l'école. À 16 ans, il publie deux
articles sur les orbites des étoiles doubles. En 1891, il entreprend deux ans
d'études à l'Université de Strasburg, où il développe sa maîtrise de
l'astronomie expérimentale. À 20 ans, il entre à l'Université de Munich ; trois
ans plus tard, il obtient un doctorat. Pendant ces années, il met au point un
interféromètre à fentes multiples lui permettant de mieux séparer des étoiles
doubles au télescope. Après sa graduation, on l'engage en tant qu'assistant à
l'Observatoire Kuffner à Ottakring. Il se consacre principalement à la
photométrie; il accomplit un travail de pionnier pour améliorer les plaques
photographiques et implanter leur utilisation en astronomie.
Jusqu'alors, la brillance d'une
étoile était évaluée à l’œil. En 1900, lors d'un congrès, il discute de la
possibilité pour l'univers d'avoir une géométrie non euclidienne. À la même
époque, il s'intéresse aussi aux comètes et plus particulièrement au fait que
leur queue est toujours orientée de façon opposée au Soleil ; utilisant le
principe de pression de radiation, il démontre que le diamètre des particules
composant la queue de la comète doit être entre 0,07 µ et 1,5 µ. De son étude
relativiste de la géométrie de l'espace autour d'une masse ponctuelle, il
dérive le " rayon de Schwarzschild " qui définit l'horizon ou la
frontière d'un trou noir ; c'est la distance au-delà de laquelle, ni la
lumière, ni la matière ne peut échapper à la force gravitationnelle du trou
noir. Il s'intéresse au transfert d'énergie près de la surface du Soleil, à
l'électrodynamique et à l'optique géométrique. En 1909, on lui offre le
prestigieux poste de directeur de l'Observatoire de Postdam.
Toute sa vie, Schwarzschild s'efforce de rendre
l'astronomie accessible à tous et de communiquer aux gens son amour pour cette
science. Ainsi, pendant les huit années où il est professeur à Göttingen, son
cours d'astronomie populaire connaît un tel succès que l'observatoire devient
le lieu de rencontre d'une foule de personnes.
Grand amateur de plein air, il est un mordu du ski et
d'alpinisme. Passionné du vol en ballon, il met au point un sextant
spécialement adapté au vol. Lorsque la guerre éclate, il s'enrôle comme
volontaire. Affecté à l'artillerie, sur le front de Russie, il contracte une
maladie incurable et il doit rentrer, en mars 1916. Il passe les deux derniers
mois de sa vie à l'hôpital.
Né à Vienne, Erwin Schrödinger poursuit ses études à
l'université d'Iéna. En 1920, il est nommé professeur à la Haute Ecole
technique de Stuttgart puis à l'université de Breslau l'année suivante. En
1927, il succède à Max Planck à l'université de Berlin. Israélite, il quitte le
pays à l'avènement du national-socialisme pour se rendre à Oxford où il obtient
une chaire en 1933. Sept ans plus tard, il devient professeur de physique
théorique à Dublin à l'Institut des hautes études de l'Etat libre d'Irlande. Il
ne rentrera en Autriche qu'en 1956.
Les premiers travaux de Schrödinger portent sur l'étude
des couleurs et la théorie des quanta. Mais le physicien est avant tout reconnu
pour ses recherches en mécanique ondulatoire, discipline développée par le
Français Louis de Broglie. L'équation de Schrödinger, élaborée en 1926, permet
de calculer la fonction d'onde d'une particule se déplaçant dans un champ. En
établissant cette équation de propagation, il donne à la mécanique quantique un
outil aujourd'hui indispensable. Avec celle de Werner Heisenberg, la théorie de
Schrödinger constitue ainsi la base de la mécanique quantique. Et en 1933,
Schrödinger partage le prix Nobel de physique avec le Britannique Paul Dirac
pour leur contribution au développement de cette nouvelle discipline.
Schrödinger essaiera également d'appliquer sa théorie à la biologie et à la
génétique dans ses ouvrages What is life (1944) et Science and
Humanism (1951).
René
Thom est une exception parmi les mathématiciens contemporains : il essaie de
tirer les implications de découvertes qu'il a faites dans le champ proprement mathématique,
implications dans les domaines par exemple de la physique, des sciences
humaines ou sociales, de la biologie, de la philosophie. . . Il pense en effet
que la théorie mathématique appelée Théorie des catastrophes peut
permettre d'éclairer de nombreux phénomènes relevant de sciences très variées.
On doit signaler que les "catastrophes" en jeu n'ont rien de
particulièrement dramatiques ; il s'agit là d'un terme purement mathématique.
La
théorie mathématique des catastrophes décrit la façon dont certains systèmes
peuvent évoluer, lorsque l'on fait varier un paramètre. On aboutit à une
classification des changements de forme susceptibles de se produire (les
catastrophes). René Thom pense que les divers types de catastrophe qui
apparaissent ainsi mathématiquement ont une grande valeur explicative dans de
nombreuses sciences, la physique, la biologie, mais aussi la linguistique, la
psychologie. . . Il a essayé de reconnaître, dans divers champs scientifiques,
ce qui pouvait relever d'une explication par la théorie des catastrophes. Après
avoir connu un grand succès, la théorie des catastrophes semble être passée de
mode, comme l'a reconnu René Thom lui-même, déclin qui ne prouve d'ailleurs
rien quand à la valeur de la théorie.
René
Thom est aussi l'un des Français à avoir reçu une médaille Fields, la plus
haute distinction pour un mathématicien, et l'équivalent du prix Nobel (les
autres Français à l'avoir reçue sont Laurent Schwartz, Jean-Pierre Serre,
Alexander Grothendieck, Pierre René Deligne, Alain Connes, Pierre-Louis Lions,
Jean-Christophe Yoccoz). Elle lui a été décernée en 1958 pour ses travaux en topologie,
plus précisément sur le cobordisme.
René
Thom a été élève de l'École Normale Supérieure, il a travaillé au CNRS,
a été professeur d'Université, puis en 1964 est devenu professeur à l'Institut
des Hautes Études Scientifiques à Bure-sur-Yvette.
Quelques
ouvrages de René Thom : Stabilité structurelle et morphogenèse (10/18) ;
Prédire n'est pas Expliquer, ESHEL, 1991 ; Paraboles& Catastrophes, Champs
Flammarion ; Théorie des catastrophes et biologie (1979).
Andrew
Wiles a déjà réservé une place éminente dans l'histoire des mathématiques, en
démontrant un des problèmes les plus difficiles des mathématiques, qui résistait
depuis trois siècles et demi aux efforts des plus grands mathématiciens et aux
théories les plus raffinées, le grand théorème de Fermat. L'histoire
même de la découverte de sa démonstration par Wiles est extrêmement romantique.
Andrew
Wiles est Anglais, né à Cambridge. Il apprend l'existence de la conjecture de
Fermat (appelée alors improprement théorème), à l'age de dix ans, en lisant un
livre, et commence dès lors à s'y intéresser. D'énoncé très simple, elle
postule que l'égalité en entiers non nuls xn + yn = zn
est impossible si n>2, et tous les mathématiciens, depuis plus de 300 ans,
ont échoué à la démontrer dans toute sa généralité. Wiles mène des études, puis
une carrière de mathématicien, très brillantes. C'est alors qu'il réalise, en
1986, que l'attaque de la conjecture de Fermat, même si elle est très
difficile, devient possible. L'opinion générale demeure cependant
qu'entreprendre cette démonstration constitue une tâche impossible et vaine.
Wiles décide alors, d'une part de concentrer toute son énergie sur ce problème,
et d'autre part, de ne faire part à personne de son travail, pour ne pas être
perturbé par le scepticisme ambiant, ou les curiosités intempestives. Ses
recherches restent donc secrètes pendant sept ans ! Il occupe pendant ce temps
un poste de professeur à l'Université de Princeton, aux États-Unis.
Après
des années de travail acharné, de succès et de découragements, le mercredi 23
juin 1993 à 10 h 30 du matin, à Cambrige (G. B.), il annonce qu'il a démontré
la conjecture de Shimura-Taniyama-Weil dans un cas particulier suffisant
à entraîner la conjecture de Fermat. Mais, lors de la révision de sa
démonstration, on se rend compte qu'il y a un "trou", qui compromet
totalement sa validité ! Tout ce travail risque de s'avérer presque vain. Wiles
recommence à travailler, dans l'angoisse pendant de longs mois, avec l'aide de
son collègue Richard Taylor. Au bout de 14 mois, le 19 Septembre 1994, en
essayant de voir dans le détail pourquoi la méthode qu'il a utilisée ne
fonctionne pas Wiles finit par "recoller les morceaux", en
réemployant une idée qu'il a eue lors d'une période antérieure de ses essais
sur la Conjecture. Le 6 Octobre, il envoie sa nouvelle preuve à trois de ses
collègues. Tous apprécient cette nouvelle preuve, sensiblement plus simple que
la précédente, dont la validité ne fait désormais aucun doute.
Andrew
Wiles, ayant plus de 40 ans, ne put recevoir la plus haute distinction pour un
mathématicien, la médaille Fields, qu'il méritait pourtant ; aussi le Congrès
international des mathématiciens le récompensa par un prix spécial, lors de
l'attribution des médailles Fields 1998.
Le
paragraphe ci-dessous tente de résumer en quelques lignes l'histoire des
tentatives de démonstration du théorème de Fermat :
On
sait que Pierre de Fermat écrivit, sans doute vers 1630, dans la marge de
l'Arithmétique de Diophante que l'équation x^n + y^n = z^n n'avait pas de
quadruplet d'entiers solution vérifiant x,y,z>0, et n>2, et qu'il avait
découvert une preuve vraiment remarquable de ce fait, mais que la marge était
trop petite pour la contenir. Fermat meurt en 1665 et c'est son fils Samuel qui
publie ses papiers, y compris la fameuse note marginale. Le 4 Août 1753, Euler
écrit à Goldbach qu'il a résolu le cas particulier n = 3. Mais sa démonstration
contient une grave erreur, due au fait que les propriétés des anneaux d'entiers
dans C ne sont pas les mêmes que dans Z. On peut cependant la
corriger pour la rendre valable.
Sophie
Germain fait faire un grand progrès au problème. Dirichlet et Legendre
démontrent en 1825 le cas n = 5, Dirichlet le cas n = 14, Lamé en 1839, avec
beaucoup de difficultés, le cas n = 7. Lamé annonce en 1847 avoir démontré le
théorème de Fermat. Il factorise l'équation de Fermat en produit de facteurs dans
le plan complexe, mais il a besoin pour conclure de l'unicité de la
décomposition en facteurs d'un certain type.
Kummer, le 24 Mai 1847, envoie une lettre à l'Académie des Sciences où
il établit que l'unicité est fausse, mais où il donne une technique pour s'en
sortir quand même, grâce au concept d'idéal. Seuls échappent à la
méthode de Kummer les entiers qui divisent les numérateurs de certains nombres
de Bernoulli. 37 est un des ces nombres désagréables, d'autres sont 59 et 67,
et il y en a une infinité.
1000
fausses preuves du théorème sont publiées entre 1908 et 1912. Le problème
n'avance pas beaucoup, si ce n'est d'un point-de-vue purement quantitatif. En
1983, on a vérifié l'impossibilité de l'égalité pour les valeurs de n
inférieures à 4 000 000. Le bon angle d'attaque vient de la
conjecture de Shimura-Taniyama-Weil sur des courbes elliptiques, de la forme :
y² = x3 + ax + b. En 1986, la connexion est faite entre cette
conjecture et le Théorème de Fermat, et ce dernier sort de la pure Théorie des
Nombres pour être relié aux propriétés fondamentales de l'espace. Andrew Wiles
s'y intéresse alors, et après un effort solitaire de 7 ans, suivis de quatorze
mois de recherches angoissées pour pallier une erreur de raisonnement, arrive à
démontrer le théorème, qui avait résisté 360 ans.
Jean-Christophe
Yoccoz a récemment, en 1994, été honoré d'une médaille Fields, la plus haute
récompense mathématique, (les autres mathématiciens français l'ayant reçue sont
Laurent Schwartz, Jean-Pierre Serre, René Thom, Alexander Grothendieck, Pierre
René Deligne, Alain Connes, et Pierre-Louis Lions). Il a reçu cette récompense
pour ses travaux dans la Théorie des Systèmes dynamiques.
Cette
théorie étudie l'évolution d'une fonction f en fonction d'une variable que l'on
peut supposer être un temps t. L'évolution de f peut être régie par une
équation différentielle (auquel cas t prend ses valeurs dans un intervalle),
soit par une relation de récurrence donnant f(t + 1) en fonction de f(t), et
dans ce cas t ne prend que des valeurs entières, et on peut considérer f comme
une suite définie par récurrence. Ces deux situations sont très banales en
mathématiques, mais il peut se faire que l'évolution du système soit
extrêmement complexe. La théorie des systèmes dynamiques est née avec le
traitement par Poincaré du problème des trois corps, et a été
approfondie, en particulier, par AndreÏ Kolmogorov. Il est possible aussi que
la "loi d'évolution" de la fonction (équation différentielle ou
relation de récurrence) dépende d'un paramètre, auquel cas on s'efforce
d'étudier l'influence de la valeur du paramètre sur le comportement
asymptotique du système. (La théorie des catastrophes de René René Thom part
elle aussi de résultats sur certains systèmes dynamiques).
La Théorie
des systèmes dynamiques est fort à la mode actuellement sous le nom de Théorie
du Chaos. Un système dynamique peut en effet avoir un comportement
asymptotique bizarre, au voisinage par exemple d'un attracteur étrange, suivant
la terminologie de David Ruelle. Les systèmes dynamiques entretiennent
également des liaisons avec les fractales, mises en évidence par Benoît
Madelbrot ; par exemple, les attracteurs étranges peuvent souvent être
qualifiés de fractales.
Jean-Christophe
Yoccoz a étudié aussi les ensembles de Julia et l'ensemble de Mandelbrot, qui
sont liés au système dynamique qu'est une suite (z(n)) de complexes vérifiant
la relation de récurrence : z(n + 1) = z(n)² + c, où c est le paramètre, ainsi
que la condition initiale z(0) = a. Si, c étant constant, on s'intéresse au
comportement asymptotique de la suite (z(n)) suivant les valeurs de a, celui-ci
dépend de l'ensemble de Julia auquel a appartient ou non. Si en revanche, on
s'intéresse au comportement asymptotique de la suite (z(n)) suivant la valeur
du paramètre c, ce comportement va dépendre du fait que c appartient ou non à
l'ensemble de Mandelbrot, dont on a dit qu'il était l'objet le plus complexe
des mathématiques.
Jean-Christophe
Yoccoz a été reçu premier à l'École Normale Supérieure, ainsi qu'à
l'agrégation de mathématiques (premier ex æquo). Il est professeur d'université
et fait partie du CNRS.
SOMMAIRE
DETAILLEE
HISTOIRE DE LA
PHYSIQUE
PARTIE
I : QUELQUES NOTIONS FONDAMENTALES ET ELEMENTAIRES DE LA MECANIQUE QUANTIQUE
PARTIE
II : QUELQUES APPLICATIONS DE LA PHYSIQUE QUANTIQUE
PARTIE
III : QUELQUES ASPECTS DE LA COSMOLOGIE
BIOGRAPHIES
DE QUELQUES PHYSICIENS
LES PRINCIPALES
CONSTANTES EN PHYSIQUE